Un premier roman publié par une journaliste spécialisée peut parfois annoncer un dangereux fiasco tant l’auteur se sentira obligé d’étaler toute sa science en oubliant qu’il n’écrit pas un article mais un roman. Rien de tout cela ici : pari réussi !

Mathilde Janin sait demeurer tapie dans l’ombre pour mieux nous peindre un décor, une atmosphère, des ambiances, bref tout un monde interlope qui fut celui du rock de la fin des années 1980. Avec en fil rouge, poil à gratter les consciences, le protocole sanitaire hallucinant mis en place à la suite de l’épidémie du virus Ébola. Une projection d'un film SF dans la vraie vie, avec ses hommes en combinaison caoutchoutée qui vous parquent comme des huitres dans des centres de rétention que les réfugiés de Lampedusa nous envieraient tant les conditions d’hébergement et le respect de la personne humaine sont restreints… 

Dans cet environnement sclérosé par la peur seuls les jeunes osent encore brûler la vie par les deux bouts. Et le monde de la musique ouvre les vannes, déversant un flot de mélodies et de paroles ravageuses. De ce fatras émergent un couple improbable, comme toujours… Un chanteur fou, artiste majeur de son temps, et une jeune Caucasienne émigrée, vénéneuse, tourmentée, éprise d’absolu… Entre drogue, rock indépendant, alcool et nuits blanches, les choses vont mal tourner.

Les histoires d’amour finissent mal en général.

On saura très vite que la fin est la fin. Mais la mort du héros n’arrêtera pas l’histoire. Sans doute parce qu’il y a aussi une héroïne. Aussi parce que l’écriture est partie prenante du mystère, le style, ce satané serpent de mer qui porte tout sur ses épaules. Musique des mots, donc, pour narrer l’audace, le front haut de la jeunesse insouciante, les rues de Harlem ou les nuits de Berlin, l’île de la Mer noire ou les amours saphiques d’une drôle de fille…

C’est bien dans l’interzone si chère à Burroughs que se passe l’essentiel. On peut aussi l’appeler la Riviera. Dans les deux cas, le plaisir de lecture est au rendez-vous…

François Xavier

Mathilde Janin, Riviera, Actes Sud, août 2013, 224 p – 19,00 €