Peut-on revenir de tout, revenir sur tout, et surtout revenir en arrière pour se projeter enfin contre l’abîme de la passion amoureuse ? Vaste sujet, vaste champ d’expérimentation, tout comme vastes sont ces plaines enneigées du Nord des États-Unis d’Amérique où l’aube tranquille d’un petit matin d’hiver est soudainement troublée par le pas ouaté d’un jeune homme qui titube à l’entrée du bourg. La voiture de patrouille manque de finir dans le décor tant les deux policiers n’en croient pas leurs yeux, et pourtant, oui, il faut bien se rendre à l’évidence, c’est bien David Horn qui est là, revenu du diable vauvert…

 

David Horn, qui finira, à n’en pas douter, par vous hanter, son nom d’abord, David Horn, répétez-le encore et encore, jusqu’à ce qu’il tourne en boucle dans votre tête, son portrait à l’acide tiré par Hélène Gaudy vous portera peut-être, comme moi, à entendre Samuel Hall sous la voix d’Alain Baschung, vous incitant à allez au diable tant il vous déteste !

 

Hé bien oui, pourquoi donc pensez-vous que David Horn s’est volatilisé soudainement si ce n’est pour ne pas tous les tuer, ces crétins qui lui tournent autour, depuis le lycée, surtout ces deux débiles de jumeaux qui ne supportent pas de voir leur échapper Prudence, même si elle est la première à ne pas s’en rendre compte, mais David Horn la magnétise, l’hypnotise, la contamine jusqu’à ce qu’elle tombe, fruit mûr de l’amour en devenir, passion charnelle qui se déshabille de ses atours pudiques pour tenter d’aller sur l’autre rive, celle des adultes, des grandes personnes, continue comme ça, pour se sentir vivant, dans ce froid glacial, ces immensités blanches, ce silence troublé par le seul cri de la scierie…

 

Mais revenir n’ouvre-t-il pas plus de questions que de réponses ? David Horn va devoir payer cash son revirement, et ce n’est pas l’adoration de sa mère ou l’amour de Prudence qui pourront l’aider. La noirceur tombera sur ses épaules et pas seulement la nuit car en son absence les choses – et les gens – ont changé, la ville aussi, Lisbon n’est plus si accueillante, les espions se font légions, les rumeurs, les voyeurs… Revoir ses vieux amis ? Ou fuir encore dans l’art de l’ellipse ?

 

Roman d’atmosphère, de picotements, de brûlures et d’émotions fortes, fulgurant au point qu’on ne le lâche pas de sitôt… Mais que faire d’autre en hiver ?

 

François Xavier

 

Hélène Gaudy, Plein hiver, Actes Sud, janvier 2014, 208 p. – 20,00 €