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Le Western camarguais

Colts aux Saintes-Maries


Voilà une bonne idée.

Un peu singulière mais originale : évoquer les "westerns" tournés en Camargue.


Certes, c’est un genre ancien et oublié. Pourtant, il y eut des Français courageux pour réaliser des similis westerns à l’américaine au milieu des taureaux et des magnifiques sites s’étendant autour des Saintes-Maries-de-la-Mer. Et ce bien avant l’apparition des westerns spaghettis et des westerns choucroutes. Ces messieurs furent carrément des précurseurs puisque leur audace remonte au début du septième art, dans les années 1910-1920. Un siècle déjà. C’était hier.


Trois hommes sont les artisans de ce nouveau genre.


Le marquis Folco de Baroncelli, frère du cinéaste Jacques de Baroncelli. Un authentique aristocrate qui, s’installant en Camargue, décida de reprendre la région en mains et de redonner de l’éclat aux traditions locales. Folco était un fervent Provençal et, dit-on, "inventa" la procession annuelle des Gitans. Il invita les cinéastes français à venir tourner chez lui. Certains eurent l’idée saugrenue d’y filmer des westerns…


Joê Hamman. Une légende à son époque. À la fois acteur et cascadeur. Recruté dans la troupe de Buffalo Bill qui avec son Wild West Show, faisait le tour d’Europe. Grand amateur de westerns et d’épopées du Far West. Un spécialiste du genre.


Jean Durand. Réalisateur audacieux qui eut la bonne idée de sortir les caméras des studios parisiens pour les planter en terre camarguaise. Ce qu’il fit dès 1909. La France découvrit un paysage dont personne ne parlait.


Car, si aujourd’hui la Camargue reste un pays magnifique mais un peu trop peuplé de touristes, au début du siècle précédent c’était une région délaissée car peu mise en valeur et envahie par les moustiques porteurs de paludisme. (Je témoigne ici que chaque fois que je me suis rendu en Camargue – à 1h30 de chez moi - je n’ai jamais vu un seul moustique. Mais il parait qu’il y en a…). Il y avait tout à faire là-bas, y compris tourner des films d’aventure.


La plupart des westerns camarguais – comme 90% des films muets – sont introuvables aujourd’hui, exceptés en DVD chez des éditeurs audacieux (dont Gaumont). Ils n’en ont pas moins existé.


L’idée de réaliser des westerns en Camargue est moins étonnante qu’il n’y parait. Points communs avec certains décors américains, présence de gardiens de bétails, etc. Laure Marchis-Mouren et Estelle Rouquette ont raison d’écrire : "Les similitudes entre le cow-boy et le gardian, tous deux bouviers et cavaliers, leurs pratiques d’élevage, le contexte sociale, économique et environnemental dans lequel ils agissent sont nombreux. Elles sont largement exploitées dans les films tournées en Camargue qui mettent en scène les courses poursuites, les combats dans la boue, les galopades dans les marais, les gases (traversées à la nage) du Rhône."


Ces éléments sont réunis dans un beau livre dotés de nombreuses photos qui racontent la Camargue et le cinéma d’un autre temps. Publié fort logiquement par Actes Sud, maison d’édition située à Arles, aux portes de la Camargue.


Malheureusement ce livre est mensonger.


En réalité, il traite très peu du western. Le sujet n’est pleinement abordé qu’à partir de la page 110 (et sur trois pages seulement !). De plus, le livre se termine sur une filmographie partielle où aucun western n’est mis en valeur. Il eut été logique de dresser la liste complète des westerns tournés en Camargue et d’en offrir un bref résumé.


Non. Cet album traite plus largement du cinéma camarguais et des films dont certaines scènes ont été tournées là-bas (à ma connaissance Le Professionnel, Nous ne vieillirons pas ensemble et Le Salaire de la peur ne sont pas des westerns !). Je n’ai rien contre le principe – d’autant que l’on apprend une foultitude de choses – mais pourquoi ce titre trompeur ? Pourquoi ne pas avoir plus simplement inscrit Le Cinéma camarguais ? Il y a chez les éditeurs des comportements qui m’échappent, même après trente ans de métier.


Conclusion : amateurs de la Camargue et cinéphiles désirant en savoir plus sur le cinéma camarguais, ce livre est fait pour vous. Fans assidus de westerns, glanez quelques informations de ci de là et contentez-vous d’admirer les photos (dont bien peu sont en rapport direct avec le western !)


Philippe Durant


Western camarguais

Sous la direction d’Estelle Rouquette et Sam Stourdzé

157 pages – 32 euros – Actes Sud – Septembre 2016

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