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Silo : l’intégrale qui vous cloue au sol

Premier opus d’une nouvelle collection, Exofictions, lancée en 2013 par Actes Sud, Silo est un roman issu d'une série en cinq épisodes dont l’origine est assez rocambolesque. Hugh Howey s’ennuyait sur son catamaran un jour de calme plat, et s’amusa à écrire une nouvelle de science-fiction. Face au grand large, à l’immensité de l’océan, l’idée lui est venue d’inventer une dystopie en exact contraire à ce qu’il avait sous les yeux : dans un futur pas si lointain, l’Humanité est réduite à un silo enterré sur près de deux cents étages dans lequel survit une société hiérarchisée à l’extrême avec interdiction de sortir car l’air extérieur est empoisonné par des virus et des bactéries diverses.
Les différents étages répercutent l’ordre social, le maire étant au sommet avec vue sur ce qui reste, puis plus l’on s’enfonce plus le prolétariat se développe avec le secteur des Machines à l’extrême fond… La vie privée est régie par une loterie qui vous donne droit, ou pas, d'avoir un enfant en fonction des derniers morts enregistrés.
Tout le monde porte la même salopette, seule la couleur permet de différencier la catégorie à laquelle vous êtes rattaché. Chacun travaille avec son ombre afin de former celle ou celui qui vous succédera. Les déplacements se font à pieds, par l'immense escalier en colimaçon dans lequel courent les porteurs qui montent et descendent sans cesse les matériaux nécessaires.

Publiant ces quelques pages sur Amazon à compte d’auteur, le succès est tel qu’il poursuit avec une autre nouvelle en forme de chapitre complémentaire d’un roman qui voit le jour l’année suivante et un agent littéraire lui fait signer un contrat chez Simon & Schuster.
Voici donc réunis en un seul volume la trilogie devenue culte : Silo, Silo Origines et Silo Générations.

Partant d’un postulat simple – réunir l’ensemble d’une société réduite à quelques centaines d’individus enfermés dans un silo souterrain – Hugh Owey floute la frontière entre fiction et réalité en inventant des situations crédibles dans un environnement impossible (du moins pour l’heure !) tout en peignant des personnages si attachant que les pages se tournent et se tournent et la journée passe sans que vous ne vous en rendiez compte.
On est ici en présence d’un très grand roman, au-delà d’un simple jeu d’émancipation, on est proche du Barjavel de La nuit des temps ou d’Arthur C. Clarke de 2001, Odyssée de l’espace.

L’espoir d’un ailleurs, cet optimisme chevillé au corps qui pousse l’Homme a continuellement avancer au péril de sa vie est ici au cœur du projet. Comment verrouiller les désirs d’émancipation, comment contenir la soif de sortir malgré la certitude de trouver la mort à l’extérieur ? Quand il suffit de monter à la cafétéria et de regarder sur les écrans géants ce que les caméras extérieurs transmettent… Si bien que les plus récalcitrants sont punis, et que la sentence revient, finalement, à leur offrir ce qu’ils attendent : sortir. Mais avec une mission avant de mourir : nettoyer. Passer un chiffon sur les lentilles qui s’obstruent par la pollution qui déposent ses miasmes à chaque coup de vent. Or, comment forcer le condamné à mort à s’exécuter une fois dehors, libre de toute autorité ?
C’est là qu’entre en jeu le si mystérieux service DIT, sorte d’État dans l’ État, abrité dans un étage réservé, protégé par des portes blindées et surtout, seul endroit où règnent l’univers numérique. Officiellement les serveurs n’abritent que la mémoire de l’humanité. Rien d’autre…

Après la perte de personnages auxquels on s’est trop vite attaché, on suit Juliette, experte en mécanique extraite de ses bas-fonds pour être le nouveau shérif par madame le maire, sauf que des événements incongrus lui donnent accès à certaines informations qu’elle n’aurait pas dû voir, la voilà envoyée, elle aussi, au nettoyage.
Mais avec la complicité de son ancienne équipe de techniciens, elle saura donner un nouveau sens à la sortie vers l’extérieur. Elle inaugurera une ère nouvelle, celle de l’après insurrection, et osera défier le pouvoir du DIT.
Impossible à résumer sauf à détruire tout plaisir de lecture, liant une écriture fluide, riche et rythmée à une succession de scènes qui maintiennent en haleine. D’ailleurs Ridley Scott a acquis les droits cinématographiques, on visualise très bien ce que cela pourra être tant l’écriture fourmille de détails : un nouveau Blade Runner ?

 

François Xavier

 

Hugh Owey, Silo – L’intégrale, romans traduits de l’anglais (États-Unis) par Yoann Gentric & Laure Manceau, Actes Sud, coll. "Exofictions", octobre 2017, 1532 p. –, 29,70 €

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