Si la belle Ichrak a été assassinée, il semblerait que ce ne soit pas pour la voler. Ni abuser d’elle. La fille aux multiples charmes n’aura pas vendu son âme. Seul son corps lui permettait d’accéder aux prismes du pouvoir. Ensorcelant les hommes, elle les contrôlait… Jusqu’au jour où elle poussa le bouchon trop loin…
Casablanca a beau être de l’autre côté, la loi est la même. Corruption. Pauvreté et concupiscence soldent les comptes. Le monde aurait-il qu’un seul et même visage ?

Dans la langue qui est la sienne – et qui lui a valu de nombreux prix – In Koli Jean Bofane peint un polar amer et décalé. La lucidité lui offre un ton où l’humour flirte avec le cynisme de situations malheureusement trop souvent connues. Cela se jouera dans le détail. La fêlure qui ira contaminer les relations entre les protagonistes. Du commissaire pointilleux au migrant naïf croyant débarquer à Deauville quand il n’est qu’à Casa…
Et si le futur est africain, finalement ?
Qui nous dit que le continent ne va pas finir par l’emporter sur les turpitudes dont il est victime ?
In Koli Jean Bofane le voit comme un laboratoire. Il y plonge ses personnages et les regarde évoluer. Nous peignant leurs réactions face aux lois contraignantes. Leur manière de s’émanciper. De s’adapter aux violences de la nature… L’architecture de la ville, personnage essentiel. Casa aux mille visages, de la médina à Derb Taliane sans oublier la mer. Cet océan qui fascine autant qu’il terrifie. Porte de sortie mais aussi sas d’entrée des migrants venus du Sénégal, Cameroun, Congo…

L’ouragan des impressions va sensibiliser aussi bien les voyous que les policiers. La fissure va déstabiliser petit à petit le bel équilibre, et le château de cartes va s’écrouler dans un nuage de sable et de poussière.
Qui restera debout face au cataclysme ?

Annabelle Hautecontre

In Koli Jean Bofane, La Belle de Casa, Actes Sud, coll. « Domaine français », août 2018, 208 p. –, 19 €