John Freeman ouvre l’espace où nous nous arrimons comme les personnages d'une pièce de théâtre. Elle risque de tourner au drame dans des décors qui deviennent des sables mouvants ou des vallées maritimes qu'une vague peut emporter.

Monte parfois du sein même de cette poésie de fragments et de bribes une buée à peine décelable et étrange qui finira par nous envelopper. La perception de notre condition s’en trouve agrandie là même où l’eau du réel n’est pas forcément claire.

Néanmoins Freeman en pêche des fleurs à peine décelables pendant qu'il est encore temps. Une intensité est présente, elle crée une préhension particulière au milieu de rappels de souvenirs un peu à la manière de Lev Rubinstein et pour apaiser certains chagrins.

De ce fait, sans presque y toucher, le poète comble les fêlures du réel. Ce qui pourrait sembler sordide se transforme et pousse le réel aux frontières sinon de l’imaginaire du moins d’une forme de paradoxe souvent drôle entre la paix et l’inquiétude.

L'auteur assure une liberté d'interprétation au "regard". C’est une stratégie imparable. Une sorte du poésie de la réalité crée de nouvelles pistes. Ce travail est donc plus que nécessaire dans une société qui se laisse envahir d’un seul rêve consumérisme et stéréotypé.

Jean-Paul Gavard-Perret

John Freeman, Vous êtes ici, poèmes traduits de l’anglais (États-Unis) par Pierre Ducrozet, Actes Sud, janvier 2019, 15€