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Au zoo, l'animal enfermé n'est pas toujours celui auquel on pense

Pérenne fascination que l’homme entretient vis-à-vis du monde animal : une manière de se voir dans un miroir sans jamais avoir l’air d’y penser ? une affirmation de domination tapie derrière une volonté – de façade – de conservation, de protection de la cause animale ? une manière de distraction à bon compte ? Tous les qualificatifs auront leur place dans cet inventaire au fil des siècles, qui connut aussi son corollaire humain puisque l’exposition coloniale de Paris, pour n’en citer qu’une, exposait des sauvages venus d’au-delà des mers dans la même absurdité criminelle que ces pauvres animaux arrachés à leur milieu naturel…

Et donc, Rome comme les autres capitales européennes, ne fit point exception : au cœur même de la cité antique, depuis 1911 et les folies mégalomaniaques de monsieur le maire, un zoo s’est développé ; puis Mussolini voulant faire la nique à Hitler, doubla sa superficie – sans jamais égaler le zoo de Berlin.

Si le roman de Pascal Janovjak arbore comme point nodal cet étrange lieu, c’est pour associer au baroque du paysage déliquescent la fragilité des êtres qui vont s’y croiser. Nommée à la direction de la communication – autrement dit la véritable tête pensante et agissante de l’institution en train de couler – Giovanna est une femme de tête, belle et autoritaire. Un portrait qui n’est pas sans rappeler l’extraordinaire Palma Bucarelli qui dirigea d’une main de fer la Galleria d’Arte moderna de Rome – et initia le sauvetage des principales œuvres d’art d’Italie durant la Seconde Guerre mondiale. Mais Giovanna possède aussi un cœur en plus de ses yeux qui scrutent chaque détail. Aussi, l’intrigant quadragénaire qui vient visiter le zoo tous les jours l’intrigue. Chahine est architecte, soit disant à Rome pour quelques jours, un projet de restructuration d’une banque, avance-t-il pour justifier ses errances, cherchant l’inspiration au milieu des animaux, mais son regard qui se perd dans les descriptions de ses fantômes, cache un mal plus profond.

Sanctuaire de l’innocence, le zoo va jouer un rôle de catalyseur en imprégnant son aura dans le quotidien des protagonistes. Le vétérinaire en chef qui ira jusqu’à commettre l’irréparable pour conserver son imprimatur sur une espèce en voie de disparition. Le désir qui retournera les destins. Le passé qui s’invitera – personnel, historique, économique. Tous ses ingrédients qui pimentent le récit, gravent le décor, peignent les émois pour offrir une lecture enrichissante et captivante.
Un roman que l’on ne lâche pas jusqu’à la dernière ligne…

François Xavier

Pascal Janovjak, Le Zoo de Rome, Actes Sud, avril 2019, 256p. – 19,80 €

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