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Poupées russes à la sauce islandaise

Dès la couverture on se dit qu’il y a là une idée. Celle développée par Perec. Ce jeu des situations vues selon plusieurs angles. Différentes personnes. Manière d’aborder une même problématique par tous les possibles… Ainsi monsieur G. trouve-t-il un petit air de déjà vu à cet homme qui est en train de poster un colis. Il croit reconnaître Aron Cesar. L’infâme Aron Cesar, celui-là même qui lui piqua sa copine il y a bien longtemps. Le monde s’arrête de tourner. Il reporte ses projets à plus tard. Il décide de le suivre…
On ne laisse pas filer celui qui lui vola Sara treize ans plus tôt…

D’une idée saugrenue se peint une toile aux mille détails, univers baroque et follement épique. Comme dans un tableau de Bosch, où chaque détail compte, le narrateur va noter scrupuleusement tout ce que fait Aron Cesar. Et pour pimenter l’enquête, la narration va osciller. Telle l’esquive qui suit le cours du courant, les points de vue vont aussi se dispatcher. Récit à la troisième personne. Prise de parole nominative. Décalage neutre. Le lecteur tourbillonne avec la poursuite en temps réel, se cachant tel Sherlock dans les rues de Reykjavik…

Un abîme qui déroute parfois mais séduit le lecteur en le positionnant sur divers fronts, sorte de grand reporter qui photographie les scènes selon le cadre dans lequel l’écrivain Olafsson les imagine. A moins que ce ne soit lui qui nous narre une histoire vécue ? Dans quel miroir nous regardons-nous, finalement ?

 

Annabelle Hautecontre

 

Bragi Olafsson, Le Narrateur, traduit de l’islandais par Robert Guillemette, Actes Sud, avril 2019, 144 p. – 12,99 €

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