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Les flammes de Robbie Arnott

Premier roman déjanté. Un zest de SF sur fond de road-movie. Faut dire que chez les McAllister, un charme sévit. Ces Tasmaniens de longue date jouent aux revenants. Et ce n’est pas faute de tout faire pour qu’ils disparaissent pour de bon. Incinérés. Mais rien n’y fait. Ils réapparaissent. Enfin, elles. Ce sortilège ne touche que les femmes. Les voilà ainsi parées de coquillages ou de fougères. Voire avec une queue de wallaby, elles jaillissent de l’océan ou surgissent du fin fond des forêts. Juste là où leurs cendres furent dispersées… Et toutes ont une bonne raison de revenir. Une affaire non achevée. Un compte à régler avec un tiers.

Voilà donc Edith qui pointe le bout de son nez… Passe en coup de vent chez son ex-mari. Une crémation de plus. Sadisme ou perversion suprême ? Les enfants n’apprécient pas cet humour macabre. Charlotte et Levi, la vingtaine mais une façon différente de supporter le deuil. Charlotte est ravagée par le chagrin. Et compense en se tournant vers la nature d’une drôle de manière : elle touches toutes les plantes qu’elle croise. Renifle les rochers. Lèche les arbres…
Son frère est plus prosaïque. Plus fort – en apparence. Et enclin à vouloir anticiper. Se disant que sa sœur – le jour où – risquer de revenir, elle aussi, lui chambouler son quotidien… Et aussi pour la protéger de cette mort à répétition qu’il imagine pénible, il lui confectionne un cercueil. Car seules les femmes incinérées reviennent à la vie. Charlotte inhumée dans une boîte, le sort devrait être rompu.
Mais la sœur découvre ce dessein démentiel d’un frère calculateur. Elle prend aussitôt la fuite. Saute dans le premier bus en partance pour le sud de l’île. La voilà partie dans un périple tasmanien des plus cocasses…

Levi ne l’entend pas de cette oreille. Il engage un détective privé – tout en conservant le cercueil. Et voilà le roman qui s’emballe. Convoquant personnages et situations décalés : un homme et son phoque dressé à la chasse aux thons géants ; un rat de rivière aux attributs divins ; un éleveur de wombats au seuil de la folie ; un auteur misanthrope d’un best-seller sur la confection des cercueils ; du feu ayant pris l’apparence humaine ; un cormoran maléfique, etc. etc.

Ce premier roman interpelle par l’imaginaire débridé qui se déploie à chaque page. Porté par une prose libérée des carcans canoniques, le récit s’articule en courts chapitres, correspondances, journal intime… Ce n’est ni une comédie. Ni un thriller. Ni un roman épique. Ni… C’est une œuvre inclassable. Un vrai OVNI.

Annabelle Hautecontre

Robbie Arnott, Flammes, traduit de l’anglais (Australie) par Laure Manceau, Actes Sud, octobre 2019, 256 p.-, 22 €

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