http://www.actes-sud.fr/

La Rose métamorphosée de Muriel Barbery

Voici le grand retour de Muriel Barbery : après le phénoménal Élégance du hérisson nous avions déchanté neuf ans plus tard avec des elfes totalement perdus dans un océan de papier noirci on se demande encore comment, preuve supplémentaire que le succès est parfois trop lourd à porter… Changeant son fusil d’épaule, Muriel Barbery opte pour le roman court, à l’écriture brève mais poétique, paraboles et ellipses habillant subtilement un récit couru d’avance mais là n’est pas le propos. Ce n’est pas le but à atteindre qui est intéressant mais la manière d’y arriver.
Ce chemin de Damas que nous impose parfois la vie et sur lequel nous trimons, portés par une force qui nous dépasse et que l’on nomme trivialement l’amour, Barbery suggère plutôt de l’interpréter comme une intimité nouée entre deux êtres et dont l’étincelle régénératrice donne enfin sens, goût et lumière à une vie faite de sacrifices et de douleurs.

Il faudra le Japon comme cadre à cette rédemption, car seul le pays du soleil levant offre cet écrin matérialiste/spirituel dont la dualité, les oppositions, les contradictions forment cette culture nippone si unique en son origine ; et ici, au milieu des temples, dans les jardins zen ou parmi les étangs, les fleurs, le souffle du vent, l’Homme peut enfin tenter de comprendre ce qui le lie à l’univers, ce qui le porte et comment parvenir à reprendre une direction en acceptant de mourir en soi pour mieux renaître, seule solution pour se débarrasser des poids familiaux, d’un passé hérité trop lourd à porter, d’un caractère horripilant…
Où d’autre qu’à Kyôto, la ville aux deux mille palais, temples et sanctuaires, cadre à la fois minéral et hautement symbolique, où l’esprit créatif et le code japonais se côtoient, situer ce roman d’apprentissage ? Rose y atterrit en provenance de Paris pour venir écouter la lecture du testament… de son père, resté invisible toutes ces années. Aidée de l’assistant du défunt, elle va devoir affronter les réminiscences de la jeunesse à laquelle on ne peut se soustraire, accepter les transformations imposées par la vie, s’extraire de la mélancolie pour la métamorphoser en joie et transmuer la douleur en plaisir…

Parcours initiatique pour Rose qui, malgré ses quarante ans, aura l’impression d’une première fois dès lors qu’elle comprend porter en elle sa part d’innocence, marcher de conserve sur le toit de l’enfer tout en admirant le paysage, que c’est de ce balancement, entre la candeur du bonheur et la cruauté du désir, que se tapie la vie elle-même… Et qu'il faut aller la débusquer pour pouvoir la croquer à pleines dents, comme une certaine pomme, jadis...

 

François Xavier

 

Muriel Barbery, Une rose seule, Actes Sud, août 2020, 160 p. -, 17,50 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.