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Patrick Dewitt, le chat n’en fait qu’à sa tête

Voilà un nouveau chat qui va compter dans la littérature, après celui du Maître et Marguerite – si Patrick Dewitt n’est en rien l’égal de Mikhaïl Boulgakov il manœuvre cependant très bien dans l’art du décalage  – voilà donc un mari trompé, mort et oublié – son épouse laisse le cadavre encore chaud dans le salon pour aller skier, ce qui va lui attirer les foudres de la bonne société – qui revient, réincarné dans un gros matou, chambouler quelque peu les desseins funestes de son ancienne femme. Car Frances pensait naïvement que sa beauté et son sale caractère feraient d’elle la coqueluche de Manhattan ; mais dans un panier de crabes les vipères ne règnent pas.
Mère possessive à l’extrême, elle ruina l’avenir de son fils en en faisant un sot immature, et puis à la mort de son insupportable avocat de mari, l’argent fondit si vite qu’il fallut fuir à Paris avec les derniers dollars sortis de la banque avant que les créanciers ne fassent bloquer les comptes…

Malcom va donc aller traîner ses trente-deux ans dans la mélancolie d’une vie jamais réellement débutée avec Small Franck, le chat maussade qui lui rappelle quelqu’un mais il ne sait pas encore qui, ni que son retors de père, l’avocat le plus cynique du pays, la crapule que les ménagères de moins de cinquante ans se forçaient à aimer, allait faire de sa mère une paria.

Pour économiser, la petite famille prendra le bateau, elle y croisera une drôle de voyante flegmatique et un capitaine un peu trop entreprenant : preuve que Frances a encore du chien. Logée par une amie sur l’île de la Cité, l’appartement familial devient très vite le dernier salon à la mode, entre arche de Noé et armée du salut : tous les zozos du coin s’y donnent rendez-vous. On y parle spiritisme, filatures, folie des uns et des autres, visions, fantasmes. Et dans tout ce chaos, Small Franck fugue car même incarné en chat la vie ne lui dit plus rien. Les mœurs des humains sont au-dessus de ses forces.

Cette satire piquante et désuète propulse le lecteur dans un monde surréaliste empreint de naïveté toute américaine, ou Candide au pays de la femme entretenue qui découvre l’envers d’une médaille en chocolat qui fond entre ses mains. C’est drôle, pathétique, dérisoire, enfantin et surtout léger, comme la vie peut l’être parfois.
Un bon bol de fantaisie indispensable en ces temps de pandémie.

 

Rodolphe

 

Patrick Dewitt, French Exit – Une tragédie de mœurs, traduit de l’américain par Emmanuelle et Philippe Aronson, Actes Sud, octobre 2020, 272 p.-, 22 €

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