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Ann Patchett revisite la maison de l'enfance

Au fil de ses publications, Ann Patchett étudie à la loupe son sujet favori, la maternité, avec dans ce volume-ci l'aspect déchirant de l'abandon sur lequel plane l'ombre de la faucheuse ; l'autre fil rouge de ses préoccupations littéraires. Vous voici embarqué dans un bon gros roman à l'américaine, avec une structure narrative complexe, une foultitude de personnages, et des lignes temporelles éclatées. Foisonnant récit qui juxtapose une série de rebondissements qui construisent une intrigue aux multiples surprises. Démonstration de sa parfaite maîtrise du canevas de son art romanesque... 

Nous voilà aux côtés de Danny et de Maeve, qui ont grandi dans la Maison hollandaise, une belle et luxueuse maison coloniale dont les USA ont le secret. Nous sommes dans la banlieue chic de Philadelphie. Dans les années 1950, le père des deux enfants, Cyril, acquiert la maison grâce à une fortune gagnée à la sueur de son front et dans le plus grand secret en "jouant" l'antiquaire malin : il rachète de vieux meubles aux enchères, les rénove et les... loue.
Le jour de l'emménagement, sa femme est stupéfaite par tant de luxe, et cela la heurte profondément, cet étalage de richesse ne lui plaît pas ! Il faut dire que si elle s'est détournée des ordres par amour, elle n'en a pas moins oublié les pauvres. Et en plus, elle porte en elle le poids de cet accablement... jusqu'à ce qu'il devienne insupportable.
Elle disparaît en Inde alors que ses enfants ont trois et dix ans.

Le père va se remarier douze ans plus tard avec une femme aux antipodes de la première : rien n'est trop beau pour elle, rien ne devra surpasser la Maison hollandaise. Petit hic supplémentaire : elle a déjà deux filles d'un premier lit. Mais lorsque Cyril meurt, cette mégère hérite de la maison et met à la porte Danny et Maeve. Seul le fonds mis en place par leur père va leur permettre de subvenir à leurs besoin.
L'écriture d'Ann Patchett multiplie les étapes de l'apprentissage de la vie de ses deux orphelins désormais livrés à eux-mêmes. Dans leur peine, les deux adolescents ne peuvent s'empêcher de passer et repasser devant leur ancienne demeure voire se poster en face, dans leur voiture, pour jouer à se remémorer leurs doux souvenirs d'enfance... Les années passent. Puis ce sera la rencontre d'une ancienne gouvernante qui apprend à Danny que sa mère distribue la soupe populaire dans le quartier du Bowery, à New York. Mais il ne cherchera pas à retrouver celle qui les a abandonnés. 
Lorsque Maeve est foudroyée par un infarctus à cinquante-deux ans, leur mère réapparaît...

On ne vous dévoilera pas la fin, servie par de beaux sentiments de bienveillance envers les uns et les autres, une sauce américaine qui est parfois un peu trop sucrée mais qui fait le délice d'un certain lectorat.

 

Rodolphe

 

Ann Patchett, La Maison des Hollandais, traduit de l'américain par Hélène Frappat, coll. "Lettres anglo-américaines", Actes Sud, janvier 2021, 320 p.-, 22,50 €

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