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Les sept divinités du bonheur : entre honneur et tradition

Il apparaît à certains comme décalé, hors du temps. Mais ne serait-ce pas plutôt lui qui a raison ? Ce Japon ancestrale, cerclé de traditions, d’honneur et d’équité. Il est facile de le rayer depuis l’Occident. Mais notre ignorance de plus en plus crasse et notre corruption endémique des idées comme des Hommes, ne devrait pas nous faire perdre de vue l’essentiel. Ainsi à Tokyo l’honneur a encore toute sa place dans la société. Que cela découle d’un acte dans la vie professionnelle ou privée. Que cela touche une multinationale ou un groupe de collégiens.
Keigo Higashino nous plonge dans le quotidien nippon avec force détails et dépeint en quelques mots l’esprit qui règne dans l’archipel. Partant de ce qui apparaît comme un crime crapuleux et/ou une vengeance – un cadre dirigeant poignardé, un suspect retrouvé avec son portefeuille – l’enquête menée par le lieutenant Kaga glissera vers tout autre chose. De remarques insignifiantes à une attitude controversée, de certitudes confondues à un dessein illusoire, d’orgueil enfantin à des croyances millénaires, le lecteur voyagera dans les mondes parallèles de cette société structurée au millimètre. Parfois encline à dériver sur nos canons déflationnistes relayés par des médias sans scrupule, elle porte néanmoins en elle une force spirituelle qui balaie toute réticence.
Balloté mais jamais désavoué, l’inspecteur Kaga mènera son enquête avec brio, non sans une pointe de lassitude quant à certaines traditions qui lui pèsent, mais dans le respect de cette culture si fascinante. Grâce au talent de Keigo Higashino qui est désormais l’une des figures majeures du roman policier japonais, le lecteur apprivoise au fil des pages le rythme de vie japonais. Jamais un mot plus haut que l’autre. Une pointe de jésuitisme – qui n’est pas de l’hypocrisie – et une authentique forme d’honneur qui force à toujours aller de l’avant tant que la réponse n’est pas satisfaisante. On ne clôt pas un dossier sur des conjectures. Même si cela serait plus facile.
Exemplaire dans son propos comme dans sa construction, ce polar est aussi un traité civique sur l’apprentissage, la camaraderie, la solidarité, en un mot cet humanisme qui nous fait si cruellement défaut… 

Annabelle Hautecontre

Keigo Higashino, Les sept divinités du bonheur, traduit du japonais par Sophie Rèfle, Actes sud, septembre 2022, 304 p.-, 23,50 €

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