Domme ou l'essai d'occupation de François Augiéras

Quoique – parce qu'habitant un nid quasiment en pleine nature – je me considère aujourd'hui privilégié, le confinement m'a cependant poussé, comme le plus grand nombre, à activer mon temps libre par le biais de choses inhabituelles : en revisitant un peu, par exemple, mon fonds de bibliothèque, ce qui ne me fut pas des plus désagréables, bien entendu. 

Et voilà que m'est alors arrivé – comme par un pur hasard, mais en fait en toute logique –, re-venu entre les mains après des années, Domme ou l'essai d'occupation de feu François Augiéras, paru dans la collection Les Cahiers Rouges dont la quatrième de couverture dit à peu près l'essentiel : À la fin des années soixante, Augiéras, fuyant la civilisation, s'installe dans une caverne en Dordogne. Entre feu et musique, il y invoque les forces surnaturelles. Domme ou l'essai d'occupation raconte cette vie retranchée. Dans un double mouvement de retour à l'état divin et de perte d'identité, l'auteur annonce la venue d'un  Homme nouveau en osmose avec l'Univers...
La société, des médecins, ont cru Augiéras fou, qui affirmait avoir 
les goûts et les tendances d'un autre monde. Les incantations de cet homme, médium et suspect, résonnent aujourd'hui étrangement dans un monde en chaos. Voici, littéralement, un livre culte.

Interpellé par une telle co-incidence avec le temps présent, je viens donc, non de relire, mais de lire à nouveau cet étrange livre qui, à ma première lecture, je m'en souviens, – mon édition datant de 1997 – ne me paraissait pas bien satisfaire aux canons que l'on dit littéraires bien que je sois par ailleurs alors d'emblée sensible aux ressentis de cet homme et à son langage, mais sans pour cela, à mon grand regret, pouvoir toutefois vraiment l'y reconnaître à visage découvert : mystique, oui, sans doute, visionnaire peut-être.
Artaud-le-momo de même, en un certain sens : ses imprécations et ses hauts-cris étant trop crus – au fond trop humainement viscéraux – pour être en même temps pris, tels quels, pour littéraires si j'ose écrire. Alors qu'ils doivent être pris au mot, nus et crus, en pleine figure, au pied de la lettre ; ce qui, impliquant gravement le lecteur, participe finalement à en parfaire le style incantatoire caractéristique, comme c'est le cas pour Augiéras, justement, avec ses soi-disant délires, ses minutieuses méditations également, tout autant, subversives, donc irrecevables en bloc par une société à jamais quasi uniquement matérialiste – mais jusqu'à quand maintenant ? –, sûre d'elle-même et certaine de ses valeurs, bien que toujours et de plus en plus souvent sur ses gardes.

Par contre, en face de quoi et malgré tout : Est-il joie plus délicieuse que de quitter le temps pour vivre au cœur de la pierre, en contact immédiat avec les forces du monde, et de parler avec son âme dans le silence du roc ?

André Lombard
 

François Augiéras, Domme ou l'essai d'occupation, postface de Jean Chalon Les Cahiers Rouges, Grasset 2006, 196 p.-, 8,20 euros

 

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