"Le Parrain" - les craquements de l’Amérique

Le Parrain est un film majeur du cinéma américain. Et pour cause : il raconte à sa manière l’Amérique capitaliste avec ses empires financiers construits sur du sang (qu’on se rassure cela ne concerne pas que l’Amérique !). Cette œuvre qui a marqué à la fois son époque et le septième art ne cesse d’être étudiée, analysée. Elle tellement riche sur plus d’un plan qu’elle n’en a pas fini de nous dévoiler ses trésors plus ou moins cachés.

Voici donc un livre de Jon Lewis, éminent professeur au département d’anglais de l’Université de l’État d’Oregon (tous les professeurs sont «éminents », ça leur fait tellement plaisir). Pour ajouter du poids, ce livre a été conçu sous l’égide du British Film Institute qui, en général, fait du bon boulot.

Lewis se penche sur ce Parrain à plusieurs niveaux. Pas forcément tous passionnants.

Le premier englobe à la fois une analyse thématique et cinématographique. Les vérités du Parrain y sont mises à nu à travers des scènes disséquées plan par plan, virgule par virgule. C’est un pur travail de recherche universitaire. Pour apprendre aux futurs cinéastes ce qui se cache derrière chaque image, au cas où ils n’auraient pas l’intelligence de le voir. Je ne suis pas certain que le grand public soit touché par ce genre d’autopsie. En tout cas moi ça me laisse froid (mais je suis un cancre).

Se glissent, pourtant, dans cette première partie des éléments très intéressants. Ainsi quand l’auteur rappelle que certains faits filmés sont inspirés de la réalité : « la scène du restaurant de Coppola est une représentation d’un véritable crime mafieux, celui de Giuseppe « Joe the Boss » Masseria en 1931 dans un restaurant de Coney Island ». Crime que l’on retrouve dans d’autres films sur la mafia (particulièrement quand il est question de Lucky Luciano).

Parmi les autres informations : la présence de Robert Towne, excellent scénariste (quand il s’en donnait la peine) appelé à la rescousse pour certaines scènes. C’est à lui que l’on doit celle du jardin entre Don Corleone et son fils. Scène analysée par le menu dans cet ouvrage.

Ailleurs, Jon Lewis dresse une fresque des grands films de gangsters ayant précédé Le Parrain. Travail aussi indispensable qu’habile. Le film de Coppola semble appartenir à une tradition mais, en réalité, a cassé celle-ci pour en imposer une autre ! Il est toujours intéressant de remonter dans l’histoire du cinéma pour mieux comprendre.

Dans les chapitres suivants, Jon Lewis revient sur la genèse complexe de ce film. Tellement complexe qu’elle nécessiterait un gros volume entier (en fait, il en existe déjà !). Cette production est devenue mythique au point d’avoir engendré légendes et contre-vérités. Jon Lewis rappelle quelques éléments clefs, notamment l’opposition entre Coppola et son producteur, et là on se retrouve vraiment au cœur du cinéma. Passionnant.

Au final, un livre qui, parce qu’il couvre un large champ, ravira, au moins en partie, les nombreux fans du Parrain. Comme dans un grand buffet, chacun y trouvera de quoi ravir son palais. Mais le mieux est encore de revoir, revoir et toujours revoir Le Parrain qui, parce que film magique, nous émeut, nous surprend et nous apprend à chaque projection.

 

Philippe Durant

 

Jon  Lewis, Le Parrain, Akileos, janvier 2017, 96 pages, 11,90 Eur

 

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