Alma Zara d’Alain Fleischer : les mots pour le dire

Inimitable Alain Fleischer qui poursuit à sa manière ses Prolongations dans une veine sempiternelle et réjouissante, boucle bouclant sa révolution en cet abécédaire poivré sucré qui, d’irrévérence en célébration, se paie le luxe de recommencer et il faut s’y reprendre à deux fois pour ne pas céder à la tentation, pomme littéraire que l’on croquerait derechef en retournant le livre et en s’emparant de la page 21, à la lettre A comme accent hongrois. Mais aussi comme Alma, cet impossible mirage fait fille dans sa vingtième année éternelle, Monarque migrant en sept générations, disparaissant, réapparaissant tous les sept ans, quand ce ne sont pas quatorze hivers qu’il faudra patienter… Tout débutera pendant l’été 1944, le dernier de l’ancien monde, quand Damian, perché au sommet de ses sept printemps, caché dans une ferme de Transylvanie, fera la connaissance d’une jeune fille venue lui apprendre le français, à moins qu’elle ne se cache également, elle et son violon… Le petit garçon sera subjugué par sa beauté, et nourrira le fol espoir de la revoir après qu’elle se fut éclipsée par une nuit sans lune, non sans lui avoir offert le plus magnifique des spectacles en apparaissant entièrement nue dans la chambre plongée dans l’obscurité.

 

Recueilli par sa tante, à Paris, le jeune orphelin croisera, à l’aune de ses quinze ans, une jeune actrice débutante qui pourrait bien être Alma, mais déjà se nomme autrement. Et ainsi de suite, dans des cercles concentriques et euclidiens, les deux jeunes gens vont apprendre à s’aimer, à se séparer et à se retrouver selon les humeurs d’un calendrier qui les incitera à parcourir le monde.

 

Prétexte poétique pour le chaman Fleischer qui nous entraîne, par la force de sa narration, style hors pair et envoutant, dans une allégorie qui aura vingt-six stations – et quelques variantes – pour nous peindre le monde nouveau tel qu’il fut reconstruit au lendemain du cataclysme. La vie, la mort, l’amour, l’art, le plaisir, le sexe, l’aventure, les voyages, tourbillonnent dans une valse impossible, maïeutique surréaliste de nos temps modernes où l’essentiel semble bien avoir disparu. Ne demeure alors, ne demeure que la littérature…

 

François Xavier

 

Alain Fleischer, Alma Zara, Grasset, février 2015, coll. "Vint-Six", 480 p.- 22,00 €

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