Albert Camus (1913-1960), écrivain de l'absurde, philosophe, prix Nobel de littérature en 1957. Biographie d'Albert Camus.

Albet Camus, André Malraux, Correspondance (1941-1959)

Entre Albert Camus (1913-1960) et André Malraux (1901-1976), il y a d'abord tout le respect d'un lecteur pour celui qui sera son auteur essentiel, puis un compagnonnage parisien, puis un lent éloignement plus politique qu'esthétique. Du point de vue de Malraux, il y a l'admiration de l'oeuvre d'un disciple, qu'il soutient de tout son poids auprès de Gaston Gallimard, notamment pour la publication des premiers essais et de l'Etranger, et une amitié qui se tisse lentement, l'homme n'étant pas connu pour sa grande chaleur humaine. 

La correspondance  entre les deux hommes , assez succincte — les grandes années de leur dialogue intellectuel se passeront à proximité l'un de l'autre, où il n'est pas nécessaire de s'écrire —, montre le résumé de leur histoire commune et trace aussi le portrait d'une époque où l'intellectuel engagé choisit son camp, entre le Gaullisme (Malraux) et le Communisme (Camus), puis son camp entre l'engagement pour un politique (Malraux devenant de plus en plus un personnage politique, écrivant les programmes et discours de De Gaulle, puis Ministre) et l'engagement pour la Cité au sens philosophique du terme (Camus bien que communiste refuse de quitter la scène culturelle). Il y a aussi un éloignement progressif dans la vision du monde, la critique commune de l'absurde se résolvant en solutions différentes, si bien que présent à chaque page de ses premiers essais, Malraux comme figure tutélaire disparaît peu à peu de l'œuvre de Camus, qui dira pourtant, en recevant son Prix Nobel, tout ce qu'il doit à son aîné. 

Malgré beaucoup de lettres purement factuelles (transmission de tel document à untel, requête pour acquérir du papier pendant l'occupation, tentatives pour se voir, etc.), le lecteur sera mis au coeur de l'intimité de ces deux éminents esprits du XXe siècle. Et surtout des enjeux qui, de nos jours, ont disparus, tant l'intellectuel est devenu translucide et infatué à la fois : nulle cause à servir que lui-même, alors que l'engagement de Camus et de Malraux, aussi opposés finissent-ils, relèvent d'un désir de servir une cause. Deux grands destins réunis par l'entreprise de Pascal Pia sous la bannière nef pour un dialogue intellectuel très riche au moment où l'Occident doit affronter des choix décisifs, deux réponses face au monde tel qu'il accélère sa course bipolaire, deux amis réunis par la même vision de l'absurde et de l'engagement mais séparés par la politique.

Le travail de Sophie Doudet est remarquable, par l'enrichissement documentaire et la précision des annotations qui fluidifient la lecture et restitue toujours les éléments avec intelligence. 

Loïc Di Stefano

Albet Camus, André Malraux, Correspondance (1941-1959), édition établie, présentée et annotée par Sophie Doudet, Gallimard, octobre 2016, 148 pages, 18,50 eur

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