Albert Camus (1913-1960), écrivain de l'absurde, philosophe, prix Nobel de littérature en 1957. Biographie d'Albert Camus.

Beckett et Camus, les mots de leur théâtre

Ils ont reçu l’un et l’autre le Prix Nobel de littérature, Albert Camus en 1957, Samuel Beckett en 1969. Le premier est né en 1913 à Mondovi, aujourd’hui Dréan, près d’Annaba, anciennement Bône, en Algérie. Le second est né en 1906, à Foxrock, au sud de Dublin, en Irlande. On n’oublie pas la mort brutale de Camus en 1960, à 46 ans, lors d’un accident de voiture. On ignore souvent que Beckett, atteint par une grave maladie, meurt à 83 ans dans une maison de retraite. A première vue, rien qui puisse les rapprocher. Retenons un fait mineur, mais qui déjà les connecte : Beckett  sera lecteur d’anglais à l’École Normale Supérieure de la rue d’Ulm, Camus sera lecteur chez Gallimard. Autre point de convergence, l’un et l’autre ont écrit des romans, devenus célèbres, comme Molloy pour Samuel Beckett, La Chute pour Albert Camus. Des pages qui pointent la solitude, l’errance, la douleur, une mère absente dans sa présence. Plus que des faits qui appartiennent au temps et aux lieux, ce qui les relie bien davantage, c’est le regard qu’ils portent sur l’homme vivant dans l’écartèlement de sa condition, entre le tragique et le comique, deux « fils d’une même terre » comme le sont « le bonheur et l’absurde », pour reprendre la question que ne cesse de poser à chacun Sisyphe.

Enfin, autre lien, même affection, ils ont été auteurs de pièces de théâtre, parmi les plus magistrales. Ils ont abordé et exploré notamment une question fondamentale, existentielle, celle de l’absurde, qui commence dans cette impression de vide devant la vie, sa monotonie, ses répétitions sans fin et sans but, son achèvement triste. Camus en déroule les séquences, elles sont communes à tous, sous des formes diverses : « lever, tramway, quatre heures de bureau ou d’usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas, sommeil, et lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi sur le même rythme ». En écho, l’attente indéfinie d’Estragon, un des deux vagabonds de En attendant Godot. L’absurde, mot dont l’origine latine rappelle qu’il signifierait « discordant, inaudible, qui va contre la logique », est là. Comment et où trouver un sens à l’existence, comment et avec qui communiquer, comment et jusqu’où user de sa liberté ? Leur vrai point de rencontre alors se situerait autour de cela. On pense tour à tour à Clov et Kaliayef !

  

Sous l’éclairage de Catherine Naugrette, ancienne élève de l’École normale supérieure, agrégée de lettres modernes et docteur en études théâtrales, Beckett, qui n’aimait pas les interviews, qui n’avait pas été recevoir son Nobel et dont Jérôme Lindon qui l’avait édité soulignait la discrétion et la modestie, se révèle sous des facettes nouvelles. Grâce à sa remarquable analyse, on mesure combien ce théâtre « se construit et oscille en permanence entre un deuxième et un troisième degré ». Derrière ce qu’elle intitule « une esthétique de la pénurie », c’est la force des mots, détournés,  qui occupe la scène ou plutôt le vide qui y règne et la disparition des repères habituels.

Pour sa part, Hélène Mauler, titulaire d’un DESS en traduction littéraire, diplômée de l’Institut d’études politiques de Strasbourg, passionnée de langues, plus particulièrement germaniques, retrace le parcours multiple de Camus, qui voulait, selon ses mots, « exprimer la négation. Sous trois formes. Romanesque…dramatique…idéologique ». Ce texte brillant et dense permet de suivre le travail créateur, l’engagement politique, les relations notamment avec Sartre ou Barrault, en somme « cette vision solidaire de Camus, qui prône le dialogue comme un antidote au silence ». Entre les mots comme « entre soi et le monde » s’installe, chez Camus et chez Beckett, « cette petite distance qui ouvre à l’imaginaire ». Ces deux livres le montrent une nouvelle fois.

Dominique Vergnon

Hélène Mauler, Albert Camus, éditions Ides et Calendes, collection Le Théâtre de ****, 128 pages, 10 euros

Catherine Naugrette, Samuel Beckett, éditions Ides et Calendes, collection Le Théâtre de ****, 128 pages, 12x19 cm, 10 euros.

 

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