Albert Vidalie, l’enchanteur de banlieue
Le jardin Falentaine, c’est le paradis : une cour, une pavane muscadine où les papillons bleus frisent de capricieux entrelacs le jeu mourant des éventails. Chandeleur n’est pas né du bon côté de la barrière. Son frère grimpe dans l’arbre généalogique, espérant y trouver du sang bleu, Fanfan, son fils, joue les Pardaillan, rêvant au Pont d’Arcole. Lui, il endure le quotidien en grisaille des petites défaites, des espoirs déçus, les ragots, la calomnie, la honte aussi. Il potasse le catéchisme des pauvres : Tu gagneras le pain de tes maîtres à la sueur de ton front. Artiste à ses heures, il peint des petits chats – éternels et indémodables – dans un monde aux allures de mauvais film, où il ne tient pas le premier rôle. Chacun, après tout, fait son cinéma, sans conviction. Mieux que personne, les Chandeleur savent qu’il faut croire aux histoires que se racontent les hommes quand ils ne sont pas très heureux.
Vidalie peint avec humour et mélancolie, justesse et bienveillance – relire à cet égard L’Aimable-Julie, Monsieur Charlot et consorts chez le même Dilettante – les banlieusards, les humbles, les sans-grades, les toquards, les paumés du petit matin. Comme eux, Chandeleur est forcé d’admettre qu’il ne parviendra jamais à surmonter sa misérable nature d’homme de beaucoup de verve et de peu de courage. Pour atténuer le goût de la défaite, rien de tel que le vin blanc, au zinc et l’amitié. En attendant des jours meilleurs et l’hypothétique temps des cerises... Vidalie trempait sa plume de styliste dans une encre bleue, qui ne s’est pas délavée. Il est urgent de relire ce colporteur de mots et de gestes.
Frédéric Chef
Albert Vidalie, Chandeleur l’artiste, avant-propos de Patrice Ducher, Le Dilettante, octobre 2013, 256 pages, 18 €
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