Roger Bichelberger et Bérénice : un roman sur lequel plane l’ombre tutélaire de Bernanos

À dix-sept ans, Bérénice n’a jamais été aimée. Rejetée par ses parents, abusée durant sa prime enfance par ses frères, c’est une jeune fille broyée et en très grande quête affective qui vient trouver le père Kenelm, jeune prêtre irlandais récemment envoyé dans son lycée.

 

En quelques lignes écrites sur une carte postale - la première d’une longue série qui forme la trame du roman et lui imprime toute sa tension – elle livre son douloureux secret au religieux. Lui seul, pense-t-elle, pourra l’aider. Lui seul saura l’aimer. L’amour exalté, quasi-mystique, qu’elle-même éprouve pour cet homme semble la « réparer » autant qu’il répare son tragique passé. Pour elle, il est l’unique moyen de le dépasser.

 

Cependant, tandis que sa chair renaît sous la flamme du désir, le père Kenelm lutte contre la tentation qu’elle représente pour rester fidèle à Dieu et à son engagement ecclésial.

 

C’est un amour plus intense que l’amour humain, ouvrant sur l’absolu céleste, qu’il tend à sa protégée. Mais elle peine à s’en saisir. À s’en contenter. Quittant la lumière qu’un instant il avait fait naître en elle, Bérénice rejoindra les ténèbres pour l’éternité.

 

Quand d’autres auteurs abîment leurs lecteurs en ressassant d’insoutenables remémorations incestueuses qui font hélas recettes à l’ère du voyeurisme et de la disette cérébrale, Roger Bichelberger choisit au contraire l’économie descriptive, privilégiant la profondeur de la réflexion pour traiter de l’énigme du mal, de l’amour rédempteur et parfois hélas, de sa faillite à sauver les êtres précipités dans le chaos. Une thématique que n’auraient renié ni Bernanos, ni Mauriac dont les ombres tutélaires reposent sur ce beau texte, aussi noble que courageux en ces temps séculiers.

 

Cécilia Dutter

 

Roger Bichelberger, Bérénice, Albin Michel, novembre 2012, 176 pages,

15 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.