Christine Orban, "Charmer, s’égarer et mourir", la vie de Marie-Antoinette

Un livre par jour serait publié sur Napoléon dans le monde. Pour Marie-Antoinette, on n’en est pas tout à fait là mais elle est l’une des femmes de l’histoire qui a été la plus célébrée et la plus haïe, à la fois. Dans l’art, le cinéma, la littérature, la peinture. Stefan Zweig, Sofia Coppola, Chantal Thomas, Evelyn Lever, Antonia Fraser (entre autres) ont tous donné leurs versions du personnage.

Inutile de revenir sur son parcours de jeune princesse trop gâtée, de dauphine adulée, de reine longtemps sans enfants, de mère de famille, d’Autrichienne détestée et enfin de femme d’Etat de tout premier plan quand la tragédie d’après 1989 aura été consommée.

Tout et son contraire a été dit à son propos : son adultère avec Le beau Fersen pour certains, tandis que d’autres nient farouchement cette hypothèse ; sa relation tiède avec son mari qu’elle appelait au temps de sa splendeur : "le pauvre homme" ; son amour des chiffons et des parures ; sa détestation de la lecture ; sa volonté de vivre « libre » au beau milieu d’une cour dont le fonctionnement avait été fixé cent ans plus tôt par Louis XIV et qui prônait l’exact contraire avec la représentation perpétuelle des rois ; le jeu trouble de sa mère souveraine autrichienne, ennemie épisodique de la France.

En revenant sur tous ces épisodes connus de la vie de Marie-Antoinette, Christine Orban s’attache aux symboles de sa vie de femme : son corps, son lit, son sang, son soulier, sa prise de conscience…

Son corps, déshabillé à la vue de tous lors du rite barbare de "remise de l’épouse". Elle a quatorze ans. Elle doit quitter tout ce qui est autrichien : ses gens, ses vêtements et même son chien, Mops.

Ce corps épié durant des années, ses draps inspectés tous les matins, la violation de son intimité, le début de la haine parce qu’elle ne porte pas d’enfants, les rudes conseils de son frère Joseph II qui la surnommait "Tête à vent". Il y avait aussi les injonctions impudiques de sa mère qui la poussait à séduire son mari. Cette mère pour laquelle, "l’intérêt de L’Autriche passait avant le bonheur de sa fille".

Il est question aussi du lit de la reine, du lit où elle reçoit Fersen ; de son sang. Le sang bleu de sa naissance, le sang rouge hémorragique à la fin de sa vie ; rouge aussi le sang de la calomnie, ou celui de la terreur. Noble, le sang de Fersen qui brave tous les dangers pour la rejoindre aux Tuileries au péril de sa vie.

Pour l’auteur, "MA, c’est la belle au bois dormant, réveillée, non pas par un prince charmant mais par le malheur".


Dans Charmer, s’égarer et mourir, Christine Orban ne cherche pas à réhabiliter une femme qui n’a pas à l’être : une reine, considérée comme déloyale et stupide par la rumeur mais qui renonce à quitter le roi en sachant très bien qu’elle se condamne, une souveraine qui met au point avec Fersen un système de codage particulièrement sophistiqué.

Tout est dit dans ce livre sensible et empathique dans lequel la vie de la dernière reine de l’ancien régime est vue comme une succession de romans : roman d’espionnage, roman de mœurs, roman historique. Les romans d’une reine qui n’est pas née le 2 novembre 1755 mais lors de son arrivée dans sa première geôle, le 6 novembre 1789. "C’est aux Tuileries que Marie-Antoinette est née et s’habite enfin. Trop tard".


Brigit Bontour


Christine Orban, Charmer, s’égarer et mourirAlbin-Michel, mars 2016, 304 pages, 19,50 €

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.