Un enfant plein d’angoisse et très sage

Antoine n’est en aucune façon, un enfant mal aimé ou maltraité. Ses parents n’ont jamais pris son existence en compte, ce qui est bien pire. Son père ne l’a jamais vu, sa mère, trop occupée par sa carrière l’a placé dans un pensionnat dont il ne sort aux vacances que pour aller chez Maggie  sa grand-mère, mélange d’Edwige Feuillère, de Marie Bell et d’Annie Ducaux.  Seul  le décor est à la hauteur puisqu’il effectue les trajets  entre son pensionnant très chic et le magnifique chalet de son aïeule dans une Rolls-Royce Silver Shadow bleu glacier conduite  par le jardinier.

Pour le reste, le garçon ne peut compter que sur lui et sur Jojo le ratier, un petit chien qui le regarde avec les yeux de l’amour. Sa mère Baladine oublie fréquemment son prénom ou le confond avec celui du chien, son père suppose qu’il n’a pas plus de cinq ou six ans  et quand tous se retrouvent  chez la grand-mère, c’est un festival de non-sens et d’égoïsme. Les deux parents ont bien compris qu’un adolescent pourrait leur être utile dans leur vie personnelle, l’un à Londres, l’autre à Paris. L’enfant lui a l’impression : "qu’ils sont venus comme des touristes viennent voir la  mer de Glace ou l’aiguille du midi".

On ne saurait dire de quoi vit Rudyart le père, un mondain britannique passionné par la qualité de ses chaussettes, les bars et les voitures tandis que Baladine, ingénieur des Mines, récente présidente de la  Fédération des entrepreneurs n’a qu’une maxime : "Emmerder le monde". Résultat d’une éducation où elle non plus ne fut pas aimée par Maggie, une ancienne star de la chanson qui ne s’intéressait à elle que le temps d’une photo.

Antoine, à treize ans n’a déjà plus beaucoup d’indulgence pour les adultes. Il aime le latin, Jojo, sa grand-mère. Mais le pauvre n’a encore rien vu en matière d’ignominies et de chagrin. Quand il aura compris le moyen de subsistance  de son père, l’indifférence de sa mère, perdu son seul ami, ces  vacances de Pâques prendront pour lui l’aspect d’un rite de passage. Une douloureuse épreuve initiatique sont il sortira définitivement plus fort.

Avec des chapitres très courts n’excédant pas deux pages, des phrases définitives : "Si j’ai vu ma mère, c’est comme on voit la Tour Eiffel de l’esplanade du Trocadéro ou le château de Versailles du train", Stéphane Hoffman décrit la vie triste d’un enfant riche entre Londres et Chamonix, Paris et le lac Majeur. Un enfant qui a compris que pour traverser l’existence, il n’y a au fond que l’humour, la littérature et l’amour des chiens.  Dans ce roman à la fois mélancolique et pétillant, l’auteur, récent lauréat du prix Jean Freustié enchante le lecteur de sa prose à l’apparence légère qui cache habilement une profonde désespérance.


Brigit Bontour


Stéphane Hoffman, Un enfant plein d’angoisse et très sage, Albin Michel, août 2016, 262pages, 18,50 euros

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