Alexandre Duval-Stalla : Malraux et De Gaulle : destins croisés

Pour saluer le 40ème anniversaire de la mort de Malraux, Gallimard, après deux superbes entretiens inédits (« Malraux face aux jeunes »), republie le livre d’Alexandre Duval-Stella paru en 2008 dans la collection « L’Infini » de Sollers. Il s’agit des biographies croisées du chrétien (De Gaulle) et de l’agnostique (Malraux) que tout pouvait éloigner et que tout rapprocha au sein d’une reconnaissance mutuelle et a priori improbable.

De Gaulle dès la fin de la guerre rencontra plusieurs écrivains. Mauriac entre autres : mais il fut « paralysé » par le Général. Avec Malraux tout change. Les deux destins se superposent dans l’Histoire (et l’histoire littéraire). Et ce  livre en une parfaite clarté le prouve. Il reste sans doute par trop hagiographique. Mais cette réserve est vite levée tant  le lecteur est saisi par  la traversée d’« un temps où notre pays était gouverné par deux écrivains »  (Daniel Rondeau).

Le lien qui unit les deux hommes est le concept de destin. De Gaulle l’a compris dès l’enfance. Malraux à peine plus tard. Le sévère officier et le dandy, celui que de Gaulle taxa de « communiste » et  celui qui voyait en lui un « fasciste »  furent mutuellement séduits dès leur première rencontre  le 18 juillet 1945. Désormais les deux destins devinrent indéfectibles jusqu'à la mort de De Gaulle saluée par « Les chênes qu’on abat ». De Gaulle trouva en Malraux l’écrivain qu’il n’était pas (même si certains pensent le contraire),  et Malraux l’homme  d'action qu’il ne fut que partiellement (on se souvient de ses trafics d'œuvres d'art khmer puis – et de manière plus reluisante - l'escadrille Espana contre les troupes franquistes, la brigade Alsace-Lorraine et son poste de ministre aux affaires culturelles.

Plutôt que de filiation il faut parler de fascination réciproque entre les deux hommes. L’écrivain et homme de l’art, l’homme d’action ont donc trouvé une complicité  qui leur permirent d’accomplir deux destins de héros des temps modernes. Ni l’un ni l’autre  ne se considéraient comme secondaires et voulaient s’inscrire  dans l’Histoire par delà les contingences qui ne les épargnèrent pas   - en particulier Malraux dont la vie fut grevée de la mort de ses proches.

Le livre dans sa narration évoque comment les deux hommes prirent toujours le dessus sur les évènements et luttèrent contre la mort. L’idée qu’on s’en fait n’est certes pas révisée. L’auteur, excluant les ombres gênantes, laisse les  héros sur leur piédestal et aux prises des visions qui les portèrent. Mais c’est ce qui fait le charme de ces chemins croisés vers une gloire que d’une certaine manière ils partagèrent. Quant à la part qui revient à chacun, le lecteur les estimera  égale ou non en fonction de ses penchants littéraires ou politiques. 

Jean-Paul Gavard-Perret

Alexandre Duval-Stalla, « André Malraux - Charles de Gaulle : une histoire, deux légendes », coll. Folio, Gallimard, Paris, 448 p., 8,20 E.

 

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