Asexualité & GPA : l’avant-garde de l’amour ?

Dans cette époque trouble tout est remis en cause. Ce qui était la norme d’hier est rejeté par principe. Aussi bien la maternité que l’amour. Un sentiment noble aux siècles passés qui devient une épicerie. Une simple manière de se justifier. On a même vu un intervenant sur CNews nous dire que porter un masque est un geste d’amour. Pour les autres. Un peu facile comme argument. C’est l’ultime cartouche quand vous ne savez plus comment imposer l’impossible. Mais l’amour n’est pas une valeur quantitative. Il ne se négocie pas. Il ne doit surtout pas servir de slogan. Ni être lié à toute approche humaine intéressée. Il doit demeurer désincarné. L’amour est plus égoïste que le sexe, par exemple, plus enragé à configurer l’autre. Il sert trop d’outil pour enfermer. Que ne ferait-on pas au nom de l’amour ? Combien d’êtres sont devenus fous par amour ? Se sont tués ? Quand cela n’avait rien à voir, qu’ils étaient seulement ensorcelés. Hors d’eux-mêmes. Perdus. Refusant le constat de la médiocrité de la vie…
Quel crédit accorder à un sentiment qui a trop d’utilité pour celui qui l’éprouve ? Les sentiments répondent-ils forcément à quelque chose ?
L’amour justifierait donc tout, la banque du sperme, la GPA, la PMA ?

Ce grand roman, dynamique et érudit, nous ramène à une infâme réalité. Cette impossibilité d’assumer. Cette approche pathétique de ce que l’on appelle l’amour.
Voilà un homme sensé, cultivé, instruit. Un architecte qui aime à la folie sa compagne. Mais qui n’en peut plus de ne pas avoir son enfant. Malgré qu’il élève comme son fils le garçon d’un premier lit. Il harcèle madame jusqu’à ce qu’elle cède. Comme un gamin qui veut son jouet. Mais le destin le punit. La mère meurt en couches, la fillette est sauve.
Alors monsieur joue les grands seigneurs pour ne pas sombrer. Mais au fond de lui il ne rêve que d’une remplaçante. C’est vrai, qui va faire les courses, s’occuper des enfants ? Il embauche deux nurses, une de jour une de nuit. Mais une femme c’est mieux. Sur les conseils de sa voisine et amie – fille célibataire qui assume de n’avoir ni mari ni enfant – il ira fureter sur Internet. Un site de rencontres puis quelques rendez-vous. Et il jette son dévolu sur une enseignante. Une femme un peu raide, coincée. Mais très belle, diaphane. Tout pour ne pas rester seul. Six mois d’approche pour appeler l’amour. L’imposer. Le construire et s’en convaincre. Peser le pour et le contre – tout accepter plutôt que rester seul. Se jouer la comédie…
Pourquoi les gens ne sont pas capables de s’assumer ? Pourquoi s’inventer cette parodie sociale qu’est le couple ?
La belle est conquise, épousée, malgré son petit secret intime. Et son obsession qui va devenir un cauchemar. Voilà qu'elle aussi veut son enfant. Aime-t-on quelqu’un dont ensuite on aura peut-être un enfant ou bien aime-t-on d’emblée un géniteur ? A-t-on un enfant parce qu’on s’aime ou s’aime-t-on pour avoir un enfant ? Mais comme elle est terrorisée à l’idée de porter, elle se tourne vers la GPA.

Alba aurait enfin son enfant, son bébé potelé, tout rose, tout doux […] son bébé d’amour qu’elle embrasserait tout son soûl. Où quand le caprice devient un crime. Outre l’odieuse GPA, on assouvit son désir en imposant une vie. Que n’y a-t-il pas assez de peluches dans les magasins ? D’animaux abandonnés à la SPA ? Quel argument hypocrite d’invoquer l’amour pour jeter un malheureux dans ce merdier qu’est la vie, tout cela pour satisfaire un besoin… Quel cynisme de nous imposer à longueur de temps le mot amour pour justifier toutes les bassesses de l’âme humaine. On ne fait, ne veut, un enfant que pour soi-même ! Pour son petit plaisir personnel. On enrobe le tout dans un terme guimauve qui justifie tout aux yeux de la société, l’amour.

Mais Alice Ferney le décrit parfaitement, la GPA n’est pas une question d’amour mais de dépendance, d’argent, de détournement. Une horreur faite aux femmes par les femmes, sous couvert d’une émancipation idéologique totalement détournée car le corps d’une femme lui appartient. Il n’est pas le réceptacle des fantasmes des parents qui ne peuvent l’être.
Le corps d’une femme n’est pas un outil. Une marchandise. Un objet de négociation !

Sans être dans la réaction, nous ne voulons pas du progressisme béat qu’on nous vend. Nous refusons autant le fatalisme que l’inconditionnelle adoration des technologies. L’esprit du transhumanisme est une perversion qui se présente comme une avancée. On n’argumente pas contre une perversion mais on peut débusquer les procédés rhétoriques à l’œuvre dans les discours actuels en faveur des législations diverses, dira Sandra, la voisine insoumise.
Féministe mais avec une cervelle !
Elle ne tolère ni ne promeut l’inacceptable. Elle ne veut pas oublier les victimes au nom de la liberté de ceux qui les utilisent. Si le débat s’est déplacé de la sexualité à la procréation, il est identique.

Que dirons-nous à nos petits-enfants horrifiés, dans quarante ans, de découvrir que nous avons autorisé qu’une étudiante vende ses ovules pour financer ses études ou porter l’enfant d’un couple d’hommes ? Que l’on a été submergé par le nombre ?
Soyez nombreux et vous serez puissants même si vous avez tort. C’est ça l’excuse ?
La victimation systématique au lieu de ne pas faire. Ne pas céder aux sirènes du tout est possible ? Nous ne devons pas être un mouton de Panurge mais dire stop !
Il arrive que la crédulité volontaire soit le seul soubassement de l’espoir. Faute de mieux…
Il est grand temps d’arrêter ce cirque.

 

Annabelle Hautecontre

Alice Ferney, L’Intimité, Actes Sud, août 2020, 368 p.-, 22 €

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