Valentine Goby, La fille surexposée : Le pouvoir de l'image
C'est à un jeu de pistes par-delà la Méditerranée auquel nous convie Valentine Goby. A la recherche de la fille perdue...
La trame de son roman suit le cheminement sur un siècle d'une carte postale retrouvée par Isabelle, dans une boîte à souvenirs appartenant à son grand-père décédé. Il s'agit de ces images un peu obscènes destinées aux occidentaux en quête d'excitation exotique.
La carte postale écrite par l'aïeul alors soldat basé au Maroc, est adressée à son ami Alexandre qui a redonné à Isabelle, lorsque son grand-père est mort, toute sa correspondance. La carte postale représente une jeune mauresque dénudée. La petite fille est interloquée, puis choquée. Qui est cette femme marocaine, qui l'a photographiée ? Pourquoi son grand-père avait-il choisi une carte érotique ? Que raconte cette fille nue, en somme ? Isabelle veut comprendre.
L'auteure embarque son lecteur dans une remontée du temps qui ne suit pas la chronologie mais l'histoire de tous ceux qui ont œuvré à la fabrication de cette image et à son utilisation. Si ce voyage esquisse la situation de ces prostituées arabes il interroge surtout le pouvoir de l'image. L'image ment-elle ou bien révèle-t-elle une réalité ? Le photographe manipule-t-il les regardants ? La question ici posée renvoie à l'essai de Frédéric Tachou "Et le sexe entra dans la modernité" dans lequel l'essayiste analyse le phénomène de la photographie obscène du début du XXème siècle.
Valentine Goby nous emmène au Maroc où on y rencontre au fil des années, le photographe qui ne captait de ces filles que les corps mais jamais les âmes, la fille qui posa pour lui, puis Aïcha au Bousbir (le bordel) qui donne son corps pour se payer un ciné, le grand-père soldat qui se paye Aïcha, mais aussi Miloudi un garçonnet qui se passionne pour la peinture et qui s'acharnera, jeune artiste contemporain, à flouter artistiquement sur ces cartes postales dégotées à Paris chez les bouquinistes, les corps de ces moukères niées dans leur identité de femme pour le seul plaisir des colons, afin de ne jamais les oublier.
La narration très descriptive est efficace, l'atmosphère décrite est vraiment palpable mais je ne reçois pas ce roman comme un cri de révolte même s'il s'inscrit dans ce thème de la collection Pabloïd des éditions Alma, qui explore la naissance, la grossesse, la souffrance, le meurtre, le couple, la mort, la révolte et le baiser, les thèmes fondamentaux de l'art selon Pablo Picasso. Valentine Goby a choisi d'illustrer, avec sa fille surexposée, la révolte. Moi, j'en fais plutôt la lecture d'une belle réflexion sur le pouvoir de l'image. Mais c'est en tout cas et comme toujours avec cet écrivain, un très joli texte.
Anne Bert
Valentine Goby - La fille surexposée - Alma Editeur - janvier 2014 - 127 pages - 17 €
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