Le hochet d'Amélie Nothomb

Pétronille Fanto, c’est une Amélie Nothomb prol ‘, hard, sans filtre, qui n’hésite pas à dire à celle-ci « qu’on devient écrivain à cause d’elle, sans se rendre compte que personne ne dispose de son combustible. » Une romancière qui plaît moins aux critiques qu’aux écrivains et qui par conséquent se révèle meilleur critique que les critiques. Une fille d’un genre mauvais garçon comme on en voit dans les pièces de Shakespeare dont elle est d’ailleurs spécialiste. Une excessive qui aime le désert autant qu’Amélie aime la neige. Une synesthésique qui pousse l’expérimentation de son corps jusqu’à mettre celui-ci en danger. Une gauchiste intégriste qui trouve sa poésie dans ses origines populaires et prouve à l’aristocrate belge que tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes – à ce propos, a-t-on remarqué que l’auteur du Sabotage amoureux, dont tout le monde dit qu’elle écrit le même livre depuis vingt ans, a, au contraire, une curiosité sociale dont peu de ses collègues puissent se réclamer, preuve ses derniers livres qui explorent autant de nouveaux mondes et de nouveaux milieux, bien au-delà de son Japon matriciel ? L’Amérique beatnick de Tuer le père ou militaire d’Une forme de vie, l’Espagne des Grands de Barbe Bleu, et aujourd’hui cette France « rouge » qu’on croyait à tort d’un autre âge.
Alors, il y aura tout ce que l’on aime dans un roman d’Amélie : les cingleries extatiques comme skier en buvant du champagne, les jugements esthétiques, toujours bien plus cruels que les jugements moraux (« Au premier coup d’œil, il y a des êtres qu’on aime et des malheureux qu’on ne peut pas encadrer. Le nier serait une injustice supplémentaire »), le style sans effort (Amélie écrit autant qu’elle boit vite ou qu’elle visite un musée) qui laisse en rade les grincheux toujours plus soucieux de culture critique que de culture littéraire, les mots étranges (« glyptodon », « échanson »), le mot « pneu » (page 60), la séquence burlesque (le voyage à Londres pour une rencontre impayable avec Vivienne Westwood), la scène ondiniste entre les deux filles, les sous-entendus qui fouettent le sang (une phrase comme « Tels Milord et Milady, nous étions assises chacune à l’extrémité d’une très longue table » vaut toutes les musardines), le fantasme d’assassinat, enfin, si chère à la romancière de Robert des noms propres et dont elle donne la meilleure version. Sans compter ce petit détail où Amélie, page 154, parle de son engouement pour les « hymnes gothiques », musique qu’elle disait honnir dans Antéchrista. Mince ? C’était donc elle, Antéchrista ? ;)
Pierre Cormary
- Lire l'entretien accordé par Pétronille - Stéphanie Hochet en exclusivité pour le Salon littéraire
- Lire un extrait de Pétronille d'Amélie Nothomb
1 commentaire
Et bien moi, comme souvent après chaque Nothomb, je n'ai qu'une envie: prendre ma plume et me mettre à écrire les histoires que ses romans m'inspirent. À 11 ans je lis Antéchrista et depuis, je suis au rendez-vous. Pour ce coup là c'est, à mon avis, un des meilleurs! En effet, quoi de plus intéressants pour ceux qui aime la littérature et les auteurs que de mélanger d'autres auteurs dans une fiction (?), réalité (?)... Moi, j'adore!