Riquet à la houppe, Nothomb théorise le beau

D'un côté,  Déodat, jeune garçon d'une effroyable laideur mais pourvu d'une sensibilité de langage rare (qui le fait comprendre l'essence de chaque être) et d'une élévation d'âme qui le porte à devenir un grand ornithologue, les oiseaux étant les figures de l'ange sur terre. De l'autre, Trémière, jeune fille d'une incroyable beauté, mais qui ne sait qu'entrer en pâmoison, si bien qu'au lieu de voir qu'elle contemple la beauté dans toute chose tout le monde la considère pour la plus sotte des créatures. Ces deux créatures que tout oppose, sauf l'amour d'une femme fondatrice (la mère de Dodat, la grand-mère de Trémière), vont être pareillement isolées et conspuées par leurs contemporains. Leur rencontre était inévitable, et comme dans le conte de Perrault dont elle emprunte la trame (aussi bien que le titre et qu'elle cite à plusieurs reprises), Amélie Nothomb offre avec Riquet à la houppe plus qu'un roman à thème, l'illustration romanesque de sa théorie du beau.

"Depuis quelque temps, on professeur que la laideur relève de la culture : elle nous inculquerait à trouver belles ou moches les personnes, bêtes ou choses. On confond l'essence et le détail. Si c'est, en effet, la culture qui définit les variations  en fonctions des époques et des lieux, l'idée de beauté lui est antérieure. Nous naissons avec cette obsession, à telle enseigne que les petits enfants sont naturellement attirés par les belles personnes et révulsés par les laids."

Amélie Nothomb nous fait suivre l'éveil au monde de ces deux créatures, auxquelles on s'attache pareillement parce qu'on sent que leur auteur a mis beaucoup d'elle-même dans chacun, et que chacun est la face opposée d'une même idée : la beauté n'est pas ce que l'on voit mais ce que l'on ressent et une certaine disposition naturelle à l'altruisme. 

La Belle et la bête, Trémière et Déodat, heureux comme jamais couple ne le fut, émus l'un et l'autre par l'évidence de leur amour, comme deux oiseaux rares qui ont trouvé la vérité de leur âme et l'idée même de la beauté dans l'existence de l'autre. 

Loïc Di Stefano

Amélie Nothomb, Riquet à la houppe, Albin Michel, août 2016, 188 pages,  16,90 eur

NB : signalons en passant à Mme Nothomb qu'en France les masseurs-kinésithérapeutes n'ont pas le titre de docteur
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