Andreï Makine (1957) est un écrivain d'origine russe de langue française. Prix Goncourt 1995, prix Goncourt des lycéens et prix Médicis pour Le Testament français

Andreï Makine, La Vie d'un homme inconnu : Un amour grand comme le ciel,

"Ils restèrent immobiles, face à face, évitant la moindre mimique, déjouant la montée des larmes. Il faisait, ce matin-là, moins trente, ce n’était pas le moment de pleurer."


Mila et Volski avancent dans les rues glacées de Leningrad assiégée, tirant péniblement chacun leur mort sur un chariot de fortune et se reconnaissent. La vie les séparera encore et, encore ils se retrouveront.


"Il revint vers le banc, s’accroupit et chantonna tout bas, telle une berceuse : “A vous, ma bien-aimée, je vais confier mon rêve…” Son souvenir lui souffla la suite des paroles. Il murmura un peu plus fort et ne fut pas étonné quand les lèvres de la femme lui répondirent. Ses yeux étaient fermés, elle souriait doucement, laissant chanter cet autre qui s’éveillait en elle. Volski l’aida à se lever. Elle marcha à côté de lui, toujours plongée dans sa mélodieuse léthargie."


Leur amour vaincra le froid, la faim, le goulag et même… la mort. Mila et Volski sont jeunes, anciens étudiants du conservatoire de musique ; l’air d’une opérette, l’hymne de leur amour. Des années plus tard, Volski, seul, devenu grabataire, se confie à Choutov, écrivain à la recherche de son passé. Dissident grincheux, émigré à Paris, celui-ci revient en Russie fuyant le désastre de sa liaison brisée avec Léa.


Avec La Vie d’un homme inconnu, Andreï Makine (Le Testament français, prix Goncourt et prix Médicis 1995, La Musique d’une vie, La Femme qui attendait, L’Amour humain) signe un roman majestueux d’une composition toute en subtilités profondes et denses, dans un équilibre vibrant de compassion, laissant le lecteur pantois, émerveillé par la fluidité magique de la narration des images ciselées par la maestria makinienne. La Vie d’un homme inconnu infirme une recrudescence de fraîcheur, une vigueur soyeuse dénonçant la maturité scripturale de l’auteur. C’est que Mila et Volski n’abandonneront jamais leur amour ni leur promesse.

"Tous les jours regarde le ciel, au moins un instant, je le ferai aussi…"


Ce qui aurait pu n’être qu’une banale histoire d’amour devient un chant sublime dont les notes de tendresse et de souffrance s’élèvent dans un ciel toujours plus pur allant grandissant.


"La nuit, l’eau bruissait sous leurs fenêtres, des vaguelettes battaient doucement contre les marches. Il fallait dire ce calme et cette joie pour aider les gens à vivre autrement. Mais le dire avec quelles paroles ?"


S’il s’agit pour Volski d’une interrogation, il semblerait bien que Makine ait trouvé la réplique dans ce roman à l’écriture ample et juste portée par un souffle puissant que seuls les plus grands possèdent.


Murielle Lucie Clément


Andreï Makine, La Vie d’un homme inconnu, Paris, Seuil, 2009, Points, février 2010, 265 pages, 7,10 €

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