"Contrebande" d'André Blanchard, les carnets de Vesoul


L’auteur vit à Vesoul, fuit les mondanités et a depuis longtemps déserté les sorties promotionnelles qui accompagnent généralement la parution d’un livre.


Travaillant à l’accueil d’une galerie d’art, André Blanchard publie depuis 1989 une série de carnets (1) dans lesquels il livre ses réflexions sur la littérature et la société, au fil des lectures ; entre souvenirs, coups de gueule et aphorismes.


« Ce souci, cette obsession du public qui affaiblit un livre. »


Le ton est ici celui de la confidence. Le lecteur se sent assez vite en confiance. L’atmosphère intime, presque feutrée, de ces cahiers joue en faveur d’une réception idéale. Cette voix rythmée par les saisons et les extravagances des chats, donne le change aux commentaires acides sur l'époque, comme pour offrir de la mesure à l’ensemble ; une harmonie.

C’est ainsi que l’on est transporté d’aphorismes acérés en anecdotes légères, en passant par des considérations plus cyniques sur la société dont il fustige l’obscénité, puis renvoyé vers des sphères purement littéraires, où les fantômes de Montherlant et Jules Renard côtoient Albert Cohen et Bernanos.

Blanchard donne envie de lire ou relire ses prédécesseurs, dénichant au gré de ses errances littéraires la métaphore qui tient du chef d’œuvre, ou nous replongeant dans l’univers de « Belle du Seigneur » ou de Proust avec une passion si sincère qu’elle contamine. Mais l’auteur n'y va pas de main morte quand il s’agit d’évoquer ce qui l’exaspère ou pour régler ses comptes personnels, avec Dieu notamment, au point d’en être parfois redondant, voire franchement lourd.

« Qu’est-ce qui devrait commander à tout écrivain ? Ne pas dire en trois mots ce qui tiendrait en deux. »

Hanté par la mort et le spleen, son travail d’écriture quotidien tient à la fois de l’exorcisme et de l’épreuve. Le succès, il le fuit, comme si le fait de « percer » serait le signe d'une imposture. Ainsi l'auteur ironise sur ses ventes et sur sa difficulté à trouver la motivation nécessaire pour proposer ses carnets à la publication, on se retrouve alors au cœur du paradoxe ; le cœur de l’œuvre de Blanchard, qui restera quoiqu’il en soit définitivement en marge ; un franc-tireur qui ne risque certainement pas de faire partie du système qu’il exècre, mais qui pourrait cependant devenir une référence .

Arnault Destal

(1) voir aussi Autres Directions chez le même éditeur.

André Blanchard, Contrebande, Le Dilettante, février 2007, 320 pages, 20 euros
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