André Chénier : Biographie

Vie et œuvre d’André Chénier (1762-1794)

André-Marie Chénier était fils de Louis Chénier (d’abord employé dans une maison de commerce de Constantinople, puis consul de France au Maroc) et d’une Grecque, originaire de l’île de Chypre, Élisabeth Santi-Lomaca.


Né à Constantinople le 30 août 1762, André vint terminer ses études à Paris, au collège de Navarre. Il fréquenta la société du temps, où on l’appelait M. de Saint-André, et fit beaucoup de vers dans le goût plus ou moins fade et mythologique du temps. En 1782, il alla comme cadet au régiment d’Angoumois, tenir garnison à Strasbourg, mais il démissionna six mois plus tard. En 1783, il voyagea en Suisse et en Italie. Puis il revint à Paris, où il passa quelques années.

C’est pendant cette période (1783-1790) qu’André Chénier a composé, et le plus souvent ébauché, la plupart de ses poésies : élégies, bucoliques, idylles, poèmes didactiques. Mais il ne publia presque rien ; de son vivant ne paraîtront que le Jeu de paume (dédié à David), et les Suisses de Châteauvieux. En effet, à partir de 1790, André Chénier est surtout journaliste. Il collabore au Journal de Paris. Il est constitutionnel. Partisan résolu de la Révolution, il voulait sauver la royauté et la personne du roi (il a aidé Malesherbes à préparer la défense de Louis XVI). 


Devenu suspect, il dut quitter Paris au lendemain du 10 août 1792, et se réfugier à Rouen et au Havre, où il échappa aux massacres de septembre. Puis il vécut pendant quelques mois à Versailles. Il était en visite, à Passy chez Mme de Piscatory, quand on l’arrêta, tout à fait par hasard ; ce n’était pas lui que l’on cherchait. Emprisonné à Saint-Lazare, le 7 mars 1794, il fut exécuté le 29 juillet à la barrière de Vincennes. Une même charrette emmenait avec lui Roucher, l’auteur des Mois.

 

Publication des œuvres

 

Deux pièces d’André Chénier, nous l’avons dit, parurent de son vivant (1791 et 1792). Tout le reste de l’œuvre est de publication posthume. D’abord, on donna quelques fragments : la Jeune Captive, dans la Décade philosophique (1801) ; la Jeune Tarentine dans le Mercure (1801). Chateaubriand cita trois passages dans les notes du Génie du Christianisme. Mais on dut attendre la mort de Marie-Joseph, qui possédait tous les manuscrits de son frère, et qui était de son vivant le grand homme de la famille, pour connaître l’ensemble de l’œuvre.

 

L’œuvre

 

Les élégies sont au nombre de quarante. Chénier y chante ses amours, ses regrets, sa mélancolie. Le style en est délicat, précis, mais gâté par la périphrase et par la mythologie. C’est souvent du style pseudo-classique. D’ailleurs, il est très difficile d’y faire la part de la sincérité et de l’imitation.

 

Les bucoliques et les idylles. Là, on trouve le vrai Chénier, celui qui a le sentiment exquis de l’antique, à la manière non pas de Racine, mais de Ronsard. Encore manquait-il à Ronsard le sens archéologique et géographique de la Grèce. Il en reproduisait surtout la mythologie et les légendes. Chénier, sans en pénétrer l’esprit ni la religion, s’est attaché aux paysages, aux lointains harmonieux et purs, et surtout aux attitudes, aux gestes, aux personnages formant des groupes de bas-reliefs. Parmi les plus célèbres morceaux de ce genre, il faut citer : l’Aveugle (Homère, après un dialogue avec des pasteurs de Syros, chante… Et c’est une occasion pour le poète de parcourir tous les thèmes de l’ancienne poésie grecque) ; le Mendiant (la fille de Lycus prie son père de donner l’hospitalité à un mendiant qu’elle a rencontré sur les bords du Crathis ; ce

mendiant raconte ses aventures ; il est le père de Lycus) ; la Jeune Tarentine et la Liberté.

Il y a de très nombreuses initiations dans ces idylles, et l’on pourrait dire que les moindres détails en sont empruntés. Mais Chénier sait y exprimer des sentiments naturels, d’une façon à la fois française et grecque. Il possède la mesure, l’élégance, le sens de la beauté mystérieuse des choses et des êtres.

 

L’Hermès

André Ghénier ne voulait pas se contenter de ces imitations antiques. Qui sait ? peut-être même les considérait-il, lui qui n’en a rien publié, comme des exercices, des essais par lesquels il se formait la main. S’il eût vécu, nous ne les aurions peut-être plus ; ou du moins un grand nombre de ces admirables croquis eût disparu. En revanche, nous aurions autre chose : un grand poème didactique sur la formation et sur le système du monde, l’Hermès.

Il ne nous reste de l’Hermès que des fragments. Mais il est possible d’en reconstituer à peu près le plan. Chénier eût exposé en cinq chants la formation du monde et l’histoire de la civilisation. Il se fût inspiré de Lucrèce, de Buffon et de l’Encyclopédie.

Une préface en vers, l’Invention, contient la théorie de cette poésie nouvelle. Nous devons, selon Chénier, chanter les progrès de la science, mais en empruntant aux anciens leur art exquis. « Sur des pensers nouveaux, faisons des vers antiques. »

 

Les Iambes

D’ailleurs le moment allait venir où André Chénier ne serait plus ni un imitateur des Grecs, ni un versificateur de l’Encyclopédie. Il allait se révéler poète au sens le plus profond du mot, c’est-à-dire tirer de son âme, de ses colères, de ses indignations, des traits immortels et vengeurs. À Saint-Lazare, il compose sans doute une élégie un peu fade, la Jeune Captive ; mais il écrit aussi ses Iambes, qui sont de la satire lyrique. Il y a environ cent vers qui ne sont, cette fois, imités de personne, ni pour le fond ni pour la forme, et qui sont l’impérissable chef-d’œuvre d’un poète qui devenait enfin lui-même. Tout y est beau. La protestation d’une âme libre et d’un cœur généreux y est fondée non pas sur des opinions politiques, mais sur les droits essentiels de l’homme : la liberté, la dignité, la justice, la vertu sans épithète, celle de tous les temps, empruntent la voix de ce citoyen emprisonné et condamné par des « bourreaux barbouilleurs de lois »… L’ironie y est généreuse ; elle cingle et châtie la lâcheté des amis, que cette lâcheté même ne préservera pas. Le style (sauf une périphrase un peu trop élégante sur l’heure) y est franc, dune simplicité robuste, d’une souplesse d’acier bien trempé.

 

Chénier écrivain

 

C’est comme écrivain et versificateur que Chénier peut être appelé l’ancêtre des romantiques. Il redonne à la langue poétique des qualités concrètes et pittoresques absolument oubliées par les pseudo-classiques. Il assouplit l’alexandrin et il pratique le premier, depuis Malherbe, le déplacement de la césure principale et l’enjambement. Mais, beaucoup plus que des romantiques, il est l’ancêtre des Parnassiens. Ses véritables disciples sont Théophile Gautier, Leconte de Lisle et, dans la poésie philosophique, Sully-Prudhomme.

 

[Source : Charles-Marc Des Granges, Les Grands écrivains français des origines à nos jours, Librairie Hatier, 1900]

 

3 commentaires

Né à Constantinople le 30 août *1762

Corrigé. Merci.


anonymous

30 Octobre 1762 Verifié sur de nombreuses sources