André Malraux : l’art, la Pléiade & autres aventures

Quarante années écoulées depuis la disparition d’André Malraux (1901-1976), et le mystère demeure, aventurier, voleur d’œuvres d’art (en Asie notamment) ou passeur de cultures et homme providentiel ? Le débat n’est pas prêt de s’arrêter tant l’homme a brouillé les repères, travaillé à réparer ses erreurs, ouvert de nouvelles pistes, inventé l’accès pour tous à l’art, etc.

Ses écrits se classant en trois catégories, romans, essais et mémoires, l’idée d’une unité n’apparaît pas immédiatement ; or, elle est bien présente, et cela dès le début, par le biais de cet angle unique avec lequel Malraux traite de tous ces sujets, cette réalité humaine qui est, il faut bien en convenir, le fonds de la littérature…

 

Voici donc une œuvre empreinte d’histoire et de crises, de ces luttes qui fragmentèrent tout le XXe siècle et imposèrent une série d’interrogations qui les dépassent ; de celles que nous nous posons tous, un jour l’autre, dans notre rapport aux autres, à la nature, à l’univers. Conscience et empathie que Pascal nomma condition humaine, socle commun sur quoi tout est bâti, des arts du monde à la métaphysique, de l’économie à la gouvernance des peuples.

 

À l’instar de bon nombre de lecteurs, c’est avec La Condition humaine que je rencontrais André Malraux avec la complicité de la collection Folio dont c’était le tout premier volume édité ; années de jeunesse où l’étude, parfois, annihilait la saveur et refermait l’option d’ouvrir d’autres portes tant le temps manquait et les options pullulaient ; il fallait faire un choix, crucial, définitif… Ce n’est que bien des années plus tard, sous l’influence d’un ange silésien, que ses écrits sur l’art me revinrent et toute la portée qu’il a pu importer à la diffusion de cette culture capturée par une minorité bourgeoise et élitiste, confiscation bien inutile à la vue des résultats (sic). Rôle ambiguë aussi dans la gestion de la crise de Mai-68 et l’instrumentalisation qu’il tenta auprès de l’école des Beaux-arts pour faire sauter certains verrous – avec l’aide de Gaëtan Picon –, avec un succès plus que mitigé, démontrant une fois encore l’inertie de la société française et le manque de fermeté dans l’exercice d’un pouvoir politique qui quémande un peu plus d’actions et moins de parlottes inutiles…

 

Le présent volume, tirage spécial au sein de la mythique collection, propose un choix de textes tirés des six tomes déjà parus dans la Pléiade, idéal donc comme première approche ou premier présent – Noël approche, ne l’oublions pas – pour donner à voir à l’ami lecteur toutes les facettes de l’œuvre de Malraux : le romancier côtoyant l’essayiste, le penseur des arts – cinéma, peinture, sculpture, littérature –, et du Musée imaginaire – dont Georges Didi-Huberman rendit compte lors d’un séminaire à l’École du Louvre rentré dans les annales –, sans oublier l’anti-mémoraliste et l’orateur.

En effet, quels que soient le genre et le domaine auxquels Malraux se consacre, la réflexion sur la condition de l’homme demeure au cœur de ses écrits. 

 

Le dessein initial d’un grand roman libère la vie de sa confusion illimitée.

André Malraux, Néocritique

 

Royaume-Farfelu est l’OVNI littéraire par excellence, tout aussi bien récit que poème en prose, il est le dernier écrit décalé de Malraux dans lequel il se permet toutes les fantaisies, narrant ses pérégrinations dans d’imaginaires pays où phénix et dragons imposent de puissantes images tout en rythmant les phrases d’un legato particulier ; suivi de La Condition humaine qui offre donc la pièce romanesque de choix, comme dans un menu gastronomique dans l’un des plus grands restaurants de la capitale dans lequel, d’ailleurs, les à-côtés sont tout aussi réjouissants, voire plus intéressants ; comme, d’ailleurs Les Noyers de l’Altenburg, dernier roman de Malraux, totalement passé inaperçu dans l’histoire de la littérature alors que c’est celui qui mène le plus loin l’association de la fiction et de la réflexion, ce qui est aussi une autre marque de son œuvre romanesque.

Mais il y eut aussi le Malraux politique, ou le Malraux de l’Histoire dont Le Triangle noir consacré à Saint-Just, dans le discours pour le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon, et dans celui pour la commémoration des maquis. Viendra ensuite le clin d’œil au Miroir des limbes avec le dernier objet qui referma cette fresque, Lazare, l’un des temps les plus forts…

Le volume se referme sur un écrit d’une importance capitale : Néocritique est une synthèse de la pensée de Malraux sur la littérature, et qui se conclut par ces mots : Si la postérité ne croit plus aux palmarès, la métamorphose croit encore aux cooptations. Le Musée Imaginaire et la Bibliothèque de la Pléiade semblent immobiles ; le firmament aussi.

 

 

 

Ce volume contient :

Royaume-FarfeluLa Condition humaineLes Noyers de l’Altenburg Esquisse d’une psychologie du cinémaLe Triangle noirLazare - Textes 1922-1976.

 

 

François Xavier

 

André Malraux, La Condition humaine et autres écrits, édition de Michel Autrand, Philippe Delpuech, Jean-Michel Glicksohn, Marius-François Guyard, Moncef Khémiri, Christiane Moatti et François de Saint-Cheron, préface d'Henri Godard, Gallimard, coll. "Bibliothèque de la Pléiade", septembre 2016, relié pleine peau dans un coffret illustré de dessins de Malraux, 1184 p. - 55.00 € jusqu'au 31 03 2017 puis 62,50 €

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