Les Nébuleuses d’Andréas Becker rendront-elles fou le lecteur ?

Traverser le miroir pour parler à la place d’une femme, pour un écrivain, est déjà une gageure quand on connaît un peu l’étendue des particularités qui différencient les deux sexes. Quand on rajoute le transfert de la langue, le défi devient (presque) impossible. Or, Andréas Becker, allemand, a réussi ce pari : écrire en français en se plaçant dans la tête d’une femme.

 

Et quelle femme ! Frapadingue pour parler franc : d’ailleurs, la langue française, sa langue française s’habille de quelques variantes, à commencer par l!instI!tutI!on, le bâtiment dans lequel elle vit désormais. Car elle doit être suivie, protégée, soignée, aidée dans sa possible sortie des nébuleuses dans lesquelles elle se perdit jadis par… amour, déraison, accidents de la vie…

 

Construit en cercles concentriques, ce roman-labyrinthe transpose les éclairs qui crépitent dans le cerveau de cette femme perdue, imposant au lecteur une attention particulière pour suivre ce langage déformé, reformulé, tendu à l’extrême dans des tentatives désespérées pour aplanir le fil du temps. Et lisser ces événements qui portèrent plusieurs fois le coup fatal.

 

Ainsi la langue libérée ira vers tous les sujets sans tabou pour peindre des souvenirs dénués de moral, violents, tendres parfois mais toujours enclins à se rapprocher de la vérité. De cette vérité qui est toujours autre, ailleurs, différente de celle perçue par les tiers, car imbibée de cette part refoulée que seule la folie libère…

 

Sept tableaux comme autant de péchés capitaux sur l’autel de l’Amour profané. Un livre troublant qui, au-delà de la prouesse technique, nous aspire dans le typhon des émotions interdites, des relations inavouées, des plaies qui ne cicatrisent jamais…

 

François Xavier

 

Andréas Becker, Nébuleuses, Éditions de la Différence, août 2013, 174 p. – 15,00€

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