Killing time, l'infirmier de la mort !

C'est l'amour du prochain, son incapacité à admettre la souffrance humaine, disons-le, sa sensibilité, qui fait de Gyorgi Owens, infirmier, un tueur en série qui "signe" ses actes en croisant les bras de ses victimes sur leur poitrine, geste d'apaisement. Enfin, les souffrances cessent, enfin cette vie inutile s'achève, enfin les suicidaires sont aidés pour réaliser leur geste. Ce paradoxe, qui ne cesse de stupéfier la journaliste venue interviewé Owens dans sa cellule, est le sujet même de Killing time. L'enquête de la journaliste, cette plongée dans l'histoire sombre d'un homme qui a tué par humanité, mettra Owens face à ses propres délires dans un récit très noir qui dévoilera sa part la plus enfouie.

« […] vous n'avez toujours pas compris que je ne suis pas un tueur en série. Je n'ai fait que libérer des gens de leur fardeau de la manière qu'ils voulaient... "

Cette histoire terrible, qui rappelle la vie de Genene Jones, la fameuse infirmière de la mort, est menée sur un rythme terrible : la narration est sans cesse interrompue, par des flashback, par l'enquête qui finira par mettre à jour la vérité d'Owens, et surtout par des scènes en gris clair — alors que le noir profond domine par ailleurs — où deux vieux se retrouvent à l'hôpital et échangent souvenirs et plaisanteries. Bien sûr tout est ordonné dans un puzzle maîtrisé, au départ déroutant mais très vite prenant.

Déjantée à souhaite, Killing time ne se prive pas d'effets pour que le lecteur se mette à la place d'Owens, et comprenne sa vision du monde, aussi folle soit-elle. Et au final Owens ne nous semble plus si monstrueux... sauf si tout cela n'était qu'une délire de sa part pour masquer à la journaliste la vérité de ses actes. La vérité d'Owens, qui rejoindra l'histoire parallèle de l'enquête policière et des deux petits vieux, est beaucoup plus glauque et on apprécie avec quelle maitrise et quel cynisme Kid Toussaint nous promène ! Owens est-il fou ou simplement manipulateur ? 


Loïc Di Stefano

Kid Toussaint (scénario) et Chris Evenhuis (dessin), Killing time, Ankama, "Hostile Hoslter", septembre 2013, 80 pages, 13,90 euros
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