Anna Gavalda, Billie : Un conte qui est aussi un hymne à la liberté

Franck et Billie se retrouvent au fond d’un ravin lors d’une  randonnée en Cévennes qui tourne mal. Lui tombe dans le coma, elle, passe la nuit à se confier à une étoile en attendant un matin meilleur.

Et elle a de quoi raconter la petite moricaude enragée des Morilles, un gourbi coincé entre une déchetterie et une autoroute dans un coin de France rurale qui se putréfie.


Son enfance dans les  hurlements et la crasse, sa rencontre avec Frank, l’autre réprouvé du collège parce qu’homosexuel, la magie de la pièce On ne badine pas avec l’amour qui va les réunir et les souder à jamais.


Il en ont eu du courage pour survivre, elle au quart monde, mot qu’elle découvre lors d’une leçon d’histoire géographie, lui à la violence de son père.


Chez elle, les filles se prostituent, les pères meurent en chourant des câbles sur une ligne de TGV. Chez lui, on hait les pédés et c’est aussi épouvantable.


Il faudra une scène d’une rare violence pour qu’ils décident dix ans après la pièce de Marivaux de fuir leur campagne pourrie et de suivre enfin leurs rêves, elle sera fleuriste, il sera joailler. Ils ne se départiront jamais de la haine mêlée de crainte  qu’ils éprouvaient  enfants : on la fuyait parce qu’elle sentait mauvais, il ne pouvait prononcer le mot phoque sans que tout le monde n’éclate de rire.


Avec ces deux réprouvés, Anna Gavalda tisse une histoire qui hésite entre amour et horreur. « Le petit pédé souffreteux et sa Cosette des dépotoirs » dégagent une énergie salutaire contre la bêtise, les préjugés, la crasse du monde périurbain.

Un conte qui est aussi un hymne à la liberté, à Paris, la ville d’où tous les nouveaux départs sont possibles : « A partir de maintenant, on devient des petits bobos comme les autres ! Oh oui, que c’est bon d’être aussi cons que les Parisiens ! De se foutre en rogne contre un Vélib’ foireux, une place de livraison occupée, un PV injuste, un restau bondé, un téléphone déchargé ou un horaire de brocante mal indiqué ». Parce que se joindre aux récriminations des privilégiés est la preuve que leur volonté de s’en sortir a payé.

 

Le livre faussement écrit à l’arrache  mais très travaillé est plein de bons sentiments à l’image du petit âne de la couverture mais fait mouche. En témoignent les commentaires qui l’ont accompagné à sa sortie : de « mauvais c’est tout », à « chef d’œuvre absolu ». Entre eux, tout un monde. Celui de Gavalda.


Brigit Bontour

 

Anna Gavalda, Billie, Le Dilettante, 224 p., 15 euros.

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