Un été tout en or - Goncourt de la nouvelle 2020

Un dimanche après-midi, une jeune femme reçoit un coup de téléphone de sa mère qui lui propose de venir déguster un poulet. Il serait dommage qu’il soit perdu car elle vient de dégivrer le réfrigérateur, affirme-t-elle. Problème, cette grande bourgeoise sait à peine où se trouve la cuisine. D’ailleurs la femme qui lui ouvre, sa mère toujours si élégante porte une nuisette de mousseline jaune qui lui fait penser à Liz Taylor et plonge la narratrice dans un abîme de perplexité. On ignore tout de ses proches, pense-t-elle.
A moins que cet épisode ne soit qu’un rêve.

En trente trois histoires courtes, étranges, presque simples, Anne Serre égrène des moments épars de la vie d’une femme qui pourrait être elle. Ou pas. C’est un certain Guillaume qui à la première personne, prend rendez-vous avec une thérapeute, madame Gandi qui s’avère être sa cousine…Un ami Charles qui ressemble à Heathcliff  traite à brûle-pourpoint ses invités de parasites. Une anglaise dont elle ne se souvient pas lui parle d’un sac peut-être volé il y a des années…
Entre passé et présent, ombre et lumière, vérité et imaginaire, Anne Serre s’amuse à réaliser  ce qui pourrait être un autoportrait (mais rien n’est moins sûr), tout en opposition, en contradictions.

La phrase de Pessoa placée en exergue du recueil : Chacun de nous est plusieurs à soi tout seul illustre de façon magnifique le propos de ce  livre dans lequel chacun de ses personnages, narratrice, parents, amis, amants revêtent une apparence sublimée, voire fantasmatique avec la mère en Liz Taylor, l’amie en Audrey Hepburn, le père en Musset.
Aucun n’est vraiment à sa place, tous semblent sortir d’un rêve, d’une illusion, d’un songe entrevu, de régions dans lesquelles l’auteure ne veut pas aller.

La plupart des textes commencent par la première phrase d’un ouvrage de la bibliothèque d’Anne Serre : Fiodor Dostoïevski, Hans Christian Andersen, Heinrich  Böll… La barre était haute et a été franchie en beauté par ce livre sensible et troublant qui vient de remporter le Goncourt de la nouvelle 2020.

Brigit Bontour

 

Anne Serre, Un été tout en or, Mercure de France, mai 2020, 139p, 14,80 €
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