Contamination des joyeux animaux de la misère : Antoine d'Agata et Francis Bacon

Ce qui ailleurs pourrait se nommer "pornographique" accentue ici la vision des limites du tragique tiré des situations créées par Francis Bacon auxquelles les photographies d'Antoine d'Agata répondent.

L’imaginaire change de cap par le langage même. À ce titre le monde et sa sexualité peuvent paraître effrayants mais il y a là une nécessité de comprendre l’humanité et les millions d’être qui vivent dans des situations de contraintes et de prostitution que Perrine Le Querrec souligne dans son texte d'accompagnement.

La première exposition de peintre que j’ai visitée est une rétrospective de Bacon au MoMA en 1989. Ce fut un choc dont je ne me suis toujours pas remis, écrit le photographe. Et cette édition rassemble 27 de ses photographies et 25 œuvres graphiques de Francis Bacon afin de proposer, suite à cet état de choc premier, des échos et des parallèles.
Les joyeux animaux de la misère – pour reprendre une expression de Guyotat – sont là entre jouissance et souffrance. Les partenaires semblent en lutte pour exister entre abus et consentements plus forcés que consentis.

Aux glissements de Bacon répondent ceux du photographe. Un tel monde est scandaleux aux yeux de la morale mais il est surtout vécu par les protagonistes des narrations plastiques dans un état de fiasco. Preuve que les grandes visualisations se sont faites et se créent non seulement pas capture du réel mais par l’imagination qui les transfigurent vers une profonde vérité.

Chaque prise instruit des situations brutales mais de manière aussi prégnante qu’indirecte. D’Agata transforme les scènes de saillies dans ce qui peut ressembler à un bordel en hallucinations. Au sein de la violence, un élan lyrique  suggère comment les esprits redeviennent animaux.
Et ce n’est pas un hasard si dans cette série, un chien errant jouxte celles des partenaires.
 

Jean-Paul Gavard-Perret


Francis Bacon & Antoine d’Agata, édition de Vincent Marcilhacy et Véronique Prugnaud, en version anglaise et française, deux livrets images de 40 pages chacun, 16 x 23 cm, The Eyes Publishing, octobre 2020, 96 p, 45 €

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