Ecrivain français (1900-1944), auteur notamment du Petit Prince et de Vol de nuit. Biographie d'Antoine de Saint-Exupéry

Pilote de guerre peint, par Lamotte

Alors que l’on vient de fêter la fin de la Grande guerre, voici un album sur la Drôle de guerre – la suivante, celle qui n’aurait, ne devait, jamais avoir lieu, mais encore aurait-il fallu que les politicards de l’époque ne soit point frileux, pacifistes mais appliquent à la lettre la maxime de Pline : si tu veux la paix, prépare la guerre – bref, voici publié dans sa version originale si l’on peut dire, le fameux livre de Saint-Exupéry qui parût d’abord aux États-Unis, en 1942 – en version française et en version anglaise – avant de paraître chez Gallimard puis d’être rapidement retiré de la vente sur ordre des autorités allemandes d’occupation à la suite d’une violente campagne de presse collaborationniste. Mais cette version ne comprenait pas les dessins de Bernard Lamotte. Ils sont donc restés inconnus du grand public français.

Installé à New York depuis 1941, Antoine de Saint-Exupéry eut le plaisir de retrouver son grand ami, le peintre Bernard Lamotte (1903-1983), qui y résidait depuis 1935. L’artiste illustra alors le livre de son ami sur sa campagne de France : l’écrivain-pilote fut alors sidéré par la ressemblance de dessins – par exemple le portrait de Sagon sur son lit d’hôpital ou la chambre d’Orconte – avec ses propres souvenirs ; alors qu’ils ne matérialisaient que le fruit de l’imagination du peintre…

Vous avez donc ici entre les mains les quatorze lavis originaux de Bernard Lamotte – l’édition américaine n’en compta que douze – enrichie de quatre illustrations non publiées, offertes par le peintre à la famille de l’écrivain. Le capitaine Antoine de Saint-Exupéry y est lui-même représenté.
Pilote de guerre retrace sa périlleuse mission de reconnaissance aérienne du 23 mai 1940 entre Orly et Arras, accompagné dans son Bloch 174 par deux compagnons du groupe 2/33…
 

Alors que nous sacrifions un pays entier pour sauver quelques milliers de vies, dixit un professeur de médecine de Cochin – Un pays n’est pas la somme de contrées, de coutumes, de matériaux, que mon intelligence peut toujours saisir. C’est un être. Et vient l’heure où je me découvre aveugle aux êtres –, on pourrait renvoyer les membres du comité de Défense, et en particulier le premier d’entre eux, à la page 17 : La mort est une grande chose. Elle est un nouveau réseau de relations avec les idées, les objets […] Elle est un nouvel arrangement du monde. Rien n’a changé en apparence, mais tout a changé. Les pages du livre sont les mêmes, mais non le sens du livre.
La mort que côtoient ces aviateurs dans des missions absurdes est alors une compagne qui rend philosophe et libère certaines réticences ; la plume de Saint-Exupéry est experte à rapporter les détails qui soudent les hommes, qui électrisent les âmes lors des vols dangereux, elle rend captivante la lecture des trois-quart du livre ; elle l’est moins, à la fin, quand elle se veut moralisatrice ou prosélyte, c’est là le défaut de cet auteur… et qui me fait toujours bondir quand je vois quelqu’un lire Le petit prince tant c’est niais à pleurer.
On oubliera donc ici les quatre derniers chapitres pour mieux se concentrer sur l’univers de Lamotte : ces sfumatos de gris qui perlent dans des reflets de lumière pour mieux exacerber le noir qui ne pèse pas mais libère le regard vers ailleurs, en quelques seconds à peine nous y sommes, nous côtoyons les protagonistes de ce récit, nous vivons avec eux cette extraordinaire aventure…

Les morts servent-ils de caution aux autres ? Quelle connerie la guerre, dit le poète, que ce soit entre les hommes ou contre un virus, la raison en pâtit toujours… Restent les récits et la peinture pour accompagner les destins qui se fracassent sur la réalité du monde.

François Xavier

Antoine de Saint-Exupéry, Pilote de guerre, édition illustrée par Bernard Lamotte, 140 x 205, coll. Blanche illustrée, Gallimard, novembre 2020, 151 p.-, 32 €
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