« Les poires décervelées » de Hans Arp

Les dialogues de sourds d’Arp sont des plus efficients. Ils renvoient les plaisanteries surréalistes à des pâles copies  du co-fondateur de Dada qui secoua les évangiles rationalistes ou mystiques. Il n’hésita pas à dresser des assiettes en révolte dévoreuses de ce qu’on met dessus. La déficience du réel et de la vérité est donc montée en exergue par son armée de « nochers démoniaques », ses fées, ses chiens « à chair de cheval ».

 

L’imaginaire joue l’humour face aux abîmes du temps : celle de la guerre de 14 qui vient de finir comme celle à venir avec les Hitler, Staline qui allaient faire fantasmer des êtres embrigadés jusqu’à ne posséder qu’une « âme surcollective » et à se réduire à des « sursinges » qui se crurent progressiste.  Sans jamais moraliser - bien au contraire – Arp ouvrent des abîmes à la mystique comme à la logique car les deux réduisent à une criminalité contre la nature même de l’être. Certes le poète ne se fait pas d’illusion : on ne sort pas du grand néant, on y rentre. La vie est  sublimement médiocre mais pour autant le poète veut l’habiter et la secouer. Elle est digne d’être vécue pour peu qu'on la bâtisse avec une élégance implicite, sans beaucoup de bruit et de fureur et surtout avec l’humour corrosif. Il permet de ne plus prendre des vessies pour des lanternes. Dès lors et même si tout « indique le chemin du caveau »  notre passage peut ressembler à une « fête sans fin» tristement  mais ironiquement merveilleuse avec de ci de là des  kakis que se tiennent en l'air telles des balles d'un jongleur figé dans le rêve.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

Jean-Hans Arp, « La grande fête sans fin », traduit de l’allemand par Aimée Bleikasten, Arfuyen, Paris, 230 pages, 13,50 E.

 

 

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