Variations sur celles de Goldberg de Bach, par Glenn Gould, que ces trente poèmes "variation" sont doublés chaque fois par un poème cri. Le tout cerné par deux textes qui sont des tombeaux pour un avenir en résurrection. 

Existe là une célébration de la  musique des sphères par des  mises en valeur de leurs interprétations même si  celle de Glenn Gould   reste la préférée. Mais même dans celle de Tatiana Nikolaïeva se dégage la Passion pour la matité assourdie tournée / Vers le profond de la terre". Au moment où la moindre croche sous les doigts de l'interprète devient un "papillon dont le plus infime battement d’ailes / Apporte paix jusque de l’autre côté du monde.

Michèle Finck par sa poésie crée une véritable propédeutique. Le lyrisme devient essentiel à une époque où il a de moins en moins cours. Mais il n'empêche en rien la rigueur pour exprimer ce qui dans l’œuvre de Bach appartient autant au deuil qu'à sa consolation.  Le tout dans la voix d'une fugue poétique "d’été à l’échelle du cosmos" contre la mort.

D'où ce jeu entre le cri de souffrance et la caresse apaisante d'une poétesse qui a déjà scruté bien des affres de la création entre autres chez Rodin, Mirô, Satie, Marino Marini, Billie Holiday. Ils sont conviés en écho tout comme Nerval et Trakl explorateurs des gouffres. Transparaît aussi le rappel de l'enfance de la créatrice où elle apprit  l’écoute du toucher en peignant l’air, doigts légers comme sur un piano de paille.

Ce texte éminemment féminin rend hommage à deux figures masculines "paternantes" comme aux poétesses profondément dissidentes et résistantes : Marina Tsvetaïeva, Sylvia Plath, Alejandra Pizarnik, Amelia Rosselli entre autres. Avant un ironique et final portrait de l'auteur grimée  en  “Vieille poète sans amis.” Voire... Car celle qui se projette ainsi sait que la musique peut sauver de presque tout et elle le prouve.

Jean-Paul Gavard-Perret

Michèle Finck, Sur un piano de paille, Les Cahiers d'Arfuyen, octobre 2020, 184 p.-, 16,50 €