Florence, « l’école du monde »

L’expression est de Giorgio Vasari, l’auteur des Vite, un livre qui est « un des trésors que l'on doit à l'Italie », selon les mots d’André Suarès. Comme Stendhal, l’écrivain le juge un artiste secondaire. Ce peintre critiqué souvent injustement a pourtant laissé certains tableaux d’une grande beauté et un musée audacieux ; mais ses pages certes leur sont supérieures. L’art, les lettres, la science, l’architecture, la sculpture, les jardiniers qui travaillent la verdure à Boboli, sont la mesure et la preuve inaltérable de cet enseignement que la ville a dispensé pendant des siècles, à travers des noms qui sont dans la mémoire de chacun comme ils le sont dans celle de l’univers : Raphaël, Léonard de Vinci, Ghirlandaio, Botticelli, Gentile da Fabriano, Brunelleschi, Pierre de Cortone, Donatello, Verrocchio, Manzoni qui écrit « après avoir trempé sa plume dans l’Arno », les Macchiaioli qualifiés d’Impressionnistes italiens dont on a pu récemment découvrir les peintures, tous, de Giotto qui « en tant que directeur de la Fabbrica del Duomo, commença à édifier le campanile à partir de 1338 » jusqu’à Giovanni Michelucci qui érige l’église San Giovanni en 1960-1964, ornent par leurs talents multiples et complémentaires la cité que les Médicis firent rayonner par leur pouvoir et leur fortune.

 

Florence, déjà héritière d’un passé prestigieux qui remonte aux Etrusques, ne cesse de grandir après le IVème siècle, de bâtir des basiliques et des baptistères, des palais et des ponts. La splendeur est une invitée permanente, l’harmonie une règle générale. Malgré des périodes troublées, notamment lors de la peste noire qui décime plus de la moitié des habitants, Florence grandit, s’épanouit, s’enrichit et se pare de monuments insignes. « L’équilibre et la dignité intrinsèques de l’homme lui inspirent la conception d’espaces et d’édifices aux lignes simples mais solennelles, basées sur les lois de la géométrie et des mathématiques ». Il suffit de voir les palais Strozzi et Pitti, la Piazza della Signoria, le Bargello, San Gaetano, pour admirer le génie cumulé des bâtisseurs du Quattrocento ou du XVIIème s. Les motifs de marbre marquetés qui agrémentent la façade de Santa Maria Novella, œuvre de Léon Battista Alberti, associent tout autant grâce et légèreté, dans des séquences de mouvements visuels qui ajoutent à la grandeur cette touche aimable dont la Toscane est partout signataire. Les auteurs de ce livre dont les lignes et les magnifiques photographies mettent en relief la magnificence du patrimoine florentin, à l’évidence d’abord celui de la Renaissance, abordent aussi ce temps moins connu du baroque à Florence qui ne manque pas de séduire le promeneur attentif, même si comparée à Rome, la ville n’offre pas le même intérêt.

 

Redisons avec Dante, combien dans son unité et sa diversité, Florence est la ville qui célèbre la liberté de l’homme, des hommes par ricochet étant donné son apport à la culture commune. Une part de notre identité, c'est-à-dire de notre civilisation, lui revient. Le texte, qu’on aimerait plus développé pour le bonheur de lire davantage les secrets de la ville, joint aux photos, constituent en tous cas une approche sensible et élégante de ce joyau urbain « enserré dans son écrin » de collines qui sans provoquer le fameux syndrome tant de fois cité qui assaillit Stendhal lors de son passage à Florence en janvier 1817 (« J’étais arrivé à ce point d’émotion où se rencontrent les sensations célestes données par les Beaux Arts et les sentiments passionnés. En sortant de Santa Croce, j’avais un battement de cœur, la vie était épuisée chez moi, je marchais avec la crainte de tomber »), est toujours une source d’émotion pour le visiteur.

 

Dominique Vergnon

 

Cristina Acidini, Stefano Zuffi, Florence, Vilo, 27,5 x 32,5 cm, 150 illustrations, 144 pages, avril 2013, 37 euros.     

 

 

 

      

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