Manuel Perrin et la mémoire du temps
L’artiste tente en cette bande dessinée de réconcilier son présent et son passé dans la tension sensible entre ce qui se joue à côté et entre les images : la mémoire des lieux dont il ne reste que quelques arpents, la beauté ou la douleur d'instants au sein de ce que Barthes nomma le « punctum » : une sorte de hors-champ subtil, comme si l'image lançait le désir au-delà de ce qu'elle donne à voir. Ce qui subsiste est loin d’être un « reste » mais une acmé sans que pour autant l’artiste s’en serve pour élaborer des plans sur sa comète.
Il suffit de quelques schémas plastiques simples, de quelques détails afin de créer du lien mais aussi de vivre avec la mémoire tout en évitant le repli narcissique dans le refus de tout dandysme plastique. A ce titre ce livre est le meilleur moyen de lutter contre l’équivoque rouleau-compresseur des images connues. Le chemin n’est pas simple. Mais tous les espoirs sont permis à celui qui avec son « In Petto » nous étonne par son humour, sa maturité artistique et existentielle. L'épure dame le pion au narcissisme et entretient avec le problème du réel et de l'art un climat ambigu.
Jean-Paul Gavard-Perret
Manuel Perrin, In Petto, coll. Re-Pacific, Editions art&fiction, Lausanne, 60 p., 24 chf, 17 €
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