Jérôme Karsenti : plomberie poétique

À sa façon Jérôme Karsenti propose une poétique de la plomberie tout en développant un anthropocentrisme à la conception pleine de tuyaux ? 
Elle répond à celle de Michel Deguy qui entend par poétique une embouchure où la philosophie se jette dans la poésie et la poésie dans la philosophie.

Ce dernier n'est pas pour rien dans cette histoire. Pour preuve cette lettre que son aficionados lui adresse. Subjugué par le maître dont il est le voisin, il plonge sur le judas dès qu'il entend un bruit dans l'immeuble.

Mais faute de pouvoir lui parler comme il l'entend, il invente un stratagème qui – au passage – pose la question suivante : Où commence et où finit l'admiration ?
Partant de cette interrogation le poète et artiste opte pour l'art particulier du "stalking" poétique : à savoir cette façon de se glisser furtivement jusqu'à sa "proie".

Moins fabricant d’un objet que d'un comportement (certains jugeront ce dernier bizarre), il rapproche les deux bouts de la chaîne qui séparent les deux poètes. Il trouve ainsi le moyen de les faire se rejoindre par les embouchures du réseau de plomberie. La tuyauterie sert d'alambic à une subsumation inédite : Karsenti espère faire goutter un peu du génie de son sublime voisin en glouglous versifiés ou en conversations secrètes.

Voici donc les interfaces de la machine à dévorer son modèle mais sans la moindre avanie. Cela peut être probablement considéré comme une néo-poétique où le travail de la mélancolie est transformé par celui de la drôlerie. Et Kafka n'est pas loin dans cette manière de passer du paroxysme de l’idéal à l’abîme des tuyaux pas forcément de poêle. Le tout en un mouvement rédempteur.


Jean-Paul Gavard-Perret

Jérôme Karsenti, Cher Michel Deguy, coll. Bomb, art&fiction, Lausanne, septembre 2021, 28 p.-, 9 €

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