Monet en son jardin...

Acquise en 1890 par Monet, la propriété de Giverny devint à partir de 1893 la résidence du peintre et de sa famille. L’endroit a depuis acquis une valeur mythique dans l’histoire de l’art, puisque c’est le vaste jardin ceignant la demeure qui fut, à partir de son installation définitive, le motif d’inspiration principal du père de l’impressionnisme. La célébrissime déclinaison des Nymphéas témoigne de cette période féconde, où la technique de l’artiste atteignit son plein accomplissement.

S’il est resté pendant de longues années en déshérence, l’endroit a récupéré au début des années 80 de sa splendeur originelle grâce au travail de l’académicien Gérald Van der Kemp et à un soutien financier venu des États-Unis. Giverny s’est dès lors mué en un point de passage touristique très prisé, trop peut-être pour pouvoir encore en savourer l’atmosphère unique de façon intimiste.

Tel est donc l’enjeu des Éditions La Martinière. Les photos du paysagiste de renom Jean-Pierre Gilson nous permettent d’aborder avec délicatesse, et dans la plus lumineuse des proximités, la beauté de Giverny, en dehors de toute présence. Car ici, c’est le génie naturel du lieu, à travers sa flore, qui est avant tout mis à l’honneur. Aucune reproduction des toiles de Monet, mais des vues, en gros plan ou en perspectives plus larges, qui offrent à l’œil de se repaître de la palette chatoyante des capucines, des ondoiements des glycines, des plantes, grimpantes ou rampantes, à leur plein épanouissement ou déjà mordorées par les effets de l’automne. La main de l’homme est bien sûr omniprésente, et pas que dans les ornements ou les artifices (ponts, bassins, agencements de broussailles, etc.) ; mais on se rend à l’évidence que c’est moins dans l’intention de dompter la nature que de la sublimer qu’elle est intervenue.

La fin du volume réserve un accès privilégié à l’intimité de Monet, avec une série de clichés montrant l’intérieur de la maison. Une image du bonheur, hors du temps mais qui n’a rien de poussiéreusement muséal, et où l’on s’attend à croiser, dans l’encadrement d’une porte ou le coin d’un salon, la silhouette joviale du peintre, comme heureux d’observer l’admiration produite chez le visiteur par son cadre de vie.

Cet ouvrage, à la croisée des regards du photographe, de l’esthète et du botaniste, ravira immanquablement quiconque se dit amateur du Beau.


Samia HAMMAMI


Jean-Pierre GILSON (photographe) et Dominique LOBSTEIN (textes), Un maître en son jardin. Claude Monet à Giverny, La Martinière, 140 pp., 22 €.

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.