Betty Tompkins la radicale

Betty Tompkins,  sous le titre de « Fuck Paintings », « interprète » les images pornographiques dont elle s’inspire. Elles font suite et radicalise le propos de ses  « Cunt Paintings » et « Kiss Paintings » dans lesquels déjà le sexe était dévoilé et omniprésent.  Payant le prix de ses audaces l’artiste est tombée longtemps en disgrâce et presque dans l’oubli. Désormais elle revient de manière très présente sur la scène artistique US et européenne. Son exhibitionniste très particulier et expressionniste est enfin compris. Il n’en demeure pas moins que certains voient toujours en l’œuvre un corpus diabolique, malveillant, ordurier.

 
Betty Tompkins n’en a cure : au besoin elle en rajoute un peu. Dans sa dernière série les pénétrations sont traitées en une approche hyperréaliste noir et blanc. L’évidente radicalité tient pourtant à une paradoxale « abstraction » dans la mesure où  l’artiste « serre » la mécanique des scènes  au plus près. L’effet de très gros plan provoque une mise en abyme. Amants et/ou partenaires sont réunis uniquement  « par où ça (se) passe ». Si bien que les réputées « pornographes » que furent ou sont  les Bellmer,  Fautrier, Maccheroni et Serrano semblent relégués au rang d’aimables plaisantins supplantés par l'artiste new-yorkaise. 


Pour autant l’œuvre n’a en aucun cas pour but de faire lever du fantasme. Il doit s'envisager et se « dévisager » (si l’on peut dire…) sur un processus de réflexion et  de pulsion. L’œuvre porte en elle son Fatum entre la lumière et l'ombre, l'intelligence et l'instinct.  Surgit paradoxalement ce qui dépasse le pur corporel, qui dépasse aussi  le langage en tant qu'outil de communication. Les agrégats et la stratégie esthétiques renvoient à une crudité de constat. S’y découvre aussi la métaphore agissante et obsédante de la vie qui par le noir et blanc s’ouvre à un langage quasi marmoréen là où normalement la souplesse s’impose… Du coup tel est pris qui croyait prendre.
 
Jean-Paul Gavard-Perret


Betty Tompkins, Fuck Paintings Etc. , 36 pages, Text Martin Herbert, Dashwood Books, New York, 25 $, Betty Tompkins, Sunsets and PussyMarianne Boesky Gallery, NYC.

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