Flirt avec la pluie : Blandine du Parc et l’offrande des instants



 

 

Par sauts d'émois discrets tirés du quotidien la photographe Blandine du Parc dessine la protubérance du silence des êtres engoncés comme leur ville (Lyon en l’occurrence) sous la pluie de magie blanche et noire. Elle en écume une impalpable douceur qui s’enlace par effet de gouttes à une architecture où tout ondoie. Les ravins du désespoir comme les pamoisons lactées demeurent pudiquement cachés sous cellophane. Il y a là des femmes pressées jusqu’à la dernière goutte, les hommes qui fantasment sur elles et voudraient les glisser encore tout habillées loin de leur propre peur. Chacun est de passage. La vie semble banale sous le ciel bas et lourd mais la lumière sombre est belle. Par effet de transfert s’inventent des lisières : le monde devient sa propre métaphore.  L’intimité de sa clôture est saisie par l’endroit même d’où la photo est saisie. D’un lieu fermé (bus par exemple)  elle crée une ouverture. On voit dans les flaques aux grands yeux d’eau noire le peuple urbain se presser dans l’aventure majeure. Celle de tous les jours. Les photographie de Blandine du Parc œuvrent ses traces comme elles permettent de passer sur l’autre rive du Rhône. Il y à là présence et absence, vide et plein par effet de langage. Reste pourtant l’énigme du quotidien car l’artiste refuse de donner la réponse trop facile qui vient à l’esprit et qui se nommerait : ennui. L’artiste préfère ramener aux trombones du trafic des rues. Bref à l’expérience prenante et décourageante que chacun peut connaître sans espérer de fuite ou de fugue. L’artiste montre ce que nous ne regardons pas faute de l’avoir trop vu. Dans cette expérience a priori simple  surgit quelque chose de bouleversant. Elle apprend à aimer dans la pluie l’ombre d’un sourire, l’espoir d’un visage et sous le ciel gris la merveille d’une fleur d’un jardin imaginaire en lieu et place de l’asphalte. Soudain la banalité ruisselle de diamants. Dans le soir, en marge de la foule, une passante  baudelairienne serpente aux doux bruits des bourrasques. Elle n’abandonne pas vraiment sa part de songe. La légende au citadin inconnu en devient presque immense.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

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