Lydie Calloud : extase nue


Promesse de l’écorce rompue, odeur de fête : Lydie Calloud transforme les données « objectives » du réel. Tout se retrouve lointain et proche. L’artiste casse le piège des contours, crée la débandade des horizons afin de montrer les confins.  Les chaises elles-mêmes basculent, s’échappent, s’envolent. Comment tenir debout en  leurs glissements de niveaux ? Elles regardent le ciel et non le trou du cul du monde. Pour autant l’envolée proposée est aussi une mise en abîme. "Quand je rencontre une image, je veux lui redonner son volume car je la ressens comme emprisonnée. Quand je rencontre un volume, je le photographie pour l’emprisonner. Je le photographie sous tous ses angles en tenant compte des ombres portées qui, pour moi, libèrent les formes de leurs limites. J’obtiens ainsi des familles d’objets, des générations et des lignées de formes" écrit l’artiste.

 

En 2 D comme en 3 D il n’y a plus de “ plans ” stables. Les formes se rétractent ou deviennent extensibles. Plutôt que « d'images » et comme le dit l’artiste  il s’agit « de son avant et de son après ». De son avancée et de son recul. Cela peut  s’appeler Eden et enclos. L’artiste y noue des entrelacs, crée des enchâssements qui font rêver jusqu’aux ombres. Quant à la lumière elle devient étreinte ou chevet lances. Elle contredit l’ombre en embrassant tout l’espace plastique afin de créer un trouble perceptif ouvrant à une poésie particulière.


Chaque oeuvre  regarde de façon implicite et parfois même de manière explicite lorsqu'un oeil semble développer hors de lui-même des rhizomes rétiniens. L’occurrence du dehors et  celle dedans sont développées selon de nouvelles assises. Restent des  suspens et des suites d’échos visuels capables de fomenter l’étrange fascination précaire à travers ce que le “ quotidien ” possède de plus humble.

 

L’œuvre déplie un espace provisoire - parce que glissé en bordure du monde. Lydie Calloud semble inverser le temps ou au moins de le retenir à travers l’ensemble des rayons lumineux réfléchis. L’art devient une méditation et une exaltation unissant un mouvement de dilatation à celui de la concentration. Se lie l’infime à l’immense loin de tout effet spectaculaire même si tout est « spectacularisé » - jusqu’au leurre du leurre - de l’image télévisuelle par exemple.  La créatrice “ durcit ” certaines formes et en allège d'autres.  L’oeuvre fascine en réunissant les contraires en une harmonie. Il s’agit de s’abîmer en une extase nue.

 

Jean-Paul Gavard-Perret


Les œuvres de Lydie Calloud sont visibles à la galerie jacques Lévy, Paris.

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