Les voiles arachnéens d’Anne-France Abillon


Avec Anne-France Abillon l’espace est  traversé par l’ondoiement de « corps » aux troublantes diaphanéités. Leurs mouvements qui cachent et dévoilent, éloignent et rapprochent, annulant soudain l’effet civilisateur de l’image fixe. Une telle capture arachnéenne préserve une intimité particulière : la soie de la blancheur révèle une promesse d’éclosion quasi spirituelle mais tout autant concrète. L’œuvre joue sur un rendu simultané de diverses facettes. L'intimité  ne se remodèle pas selon nature : elle s’enrichit  par superposition de strates de lumières parfois incompatibles : d'un côté l'évidence, de l'autre le troublé. 

 

Anne France Abillon invite à une fouille archéologique  du paysage. Dans les tréfonds obscurs peut s'y chercher l’image d’un  autre lieu.  Surgit le regard ambigu sur le statut - non moins ambigu -  de la réalité qui soudain perd ici ses  cloisonnements de pérennité.  L’artiste donne à voir le travail de sape salutaire afin que surgisse une liberté. Elle fonde et  brise : ce qui est révélé tend à occuper tout l’espace et faire le vide autour. Le doute se mue en certitude. L'inverse est vrai aussi. Les stances en de pudiques fioritures ouvrent un espace supérieur en un épanouissement éphémère et précaire par effets de surface comme de profondeur, d’ouverture comme de fermeture.

 

Le textile devient une écriture subtile, labile et fascinante. Fragilité et sa délicatesse éloigne du stéréotype. L’arachnéen joue avec le secret en un fabuleux travail formel de détournements.  S’appuyant sur les oppositions : rigidité et souplesse Anne-France Abillon transpose la beauté en divers effets poériques. Des lignes tendent des liens subtils pour créer des pans : ils deviennent des narrations évanescentes presque mystiques qu’il ne faut donc pas réduire à de simples stratégies pulsionnelles. L’éloge du secret demeure bien plus puissant, incisif. Les jeux entre le montré et le caché restent  complexes là où existent  une métaphorisation et une littéralité pour que ce secret demeurent partiellement levé : au regardeur de s’y confronter.

 

Jean-Paul Gavard-Perret

 

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"L’artiste donne à voir le travail de sape salutaire afin que surgisse une liberté. Elle fonde et  brise : ce qui est révélé tend à occuper tout l’espace et faire le vide autour. Le doute se mue en certitude. L'inverse est vrai aussi. Les stances en de pudiques fioritures ouvrent un espace supérieur en un épanouissement éphémère et précaire par effets de surface comme de profondeur, d’ouverture comme de fermeture."   Rien à dire, tout est dit.
Cela dit, l'inverse  est vrai aussi.