Agnès Pezeu : anamorphoses

 

 

Agnès Pezeu par sa peinture comme par ses actions « épuise » le corps. Elle le propose souvent de manière décadrée  afin que sa forme se dégage d’une vision posée et classique. Il se disloque au moment où  il vibre comme les " merveilleux nuages " dont parlait Baudelaire. Le lieu du corps n’est plus seulement celui de la trace, du reflet mais celui des parages et des confins du désir comme de l'indécis et du seuil où l'être (féminin) à la fois se délite et résiste. Agnès Pezeu en désigne la jointure fragile presque ineffable et joyeuse.

Le tableau est l'antre, la matrice où se fomente la présence que l’artiste déplace dans la force d’un lever, d’une chorégraphie de couleurs avec un paradoxe : le visible semble se dissoudre dans le blanc qu'il absorbe. Existe l’étrange incandescence de célébration sensuelle du corps qui passa  il y a quelques années par une expérience nouvelle pour Agnès Pezeu. Lors du vernissage elle proposa aux invités de s’allonger sur une toile peinte placée sur le sol, par vagues successives selon les postures de leur choix. A l’aide d’un pastel elle y traça les contours. La toile fut ensuite accrochée aux cimaises du lieu et d’autres du même esprit suivirent dans une belle sérialité.


Ce travail illustre la capacité de la créatrice à saisir l’énergie. Elle s’en soucie bien plus qu’elle ne se préoccupe de la figuration. D’où ses décadrages/décalages qui suggèrent la pulsion. La peinture devient une chair grouillante au sein des ombres périssables. L'existence s'y ouvre folle de vie. Rien ne l’épuise même s’il faut pour l’artiste, à chaque nouvelle étape, tout reprendre à zéro, aborder des expériences selon de multiples angles  afin d’habiter son art.

En partie « gestuelle » l’oeuvre saisit le mouvement du corps. Il est scénarisé et  devient le partenaire de la création dans un esprit cultivé  à la manière de J-L Lebel. Mais avec Agnès Pezeu émerge une plénitude ouverte et sans confins comme s’il s’agissait de saisir le corps avant que les formes ne se fixent et que l’émotion s’épande en marées successives où la peinture seule importe :  pas le mètre carré d’acrylique tendu sur son châssis, inerte, décoratif, consommable mais la peinture, rien que la peinture devenue texture du corps   chargé de ses métamorphoses.


Jean-Paul Gavard-Perret


Exposition actuelle d'Agnès Pezeu  à la galerie Brun Léglise, Paris 7ème.




Sur le même thème

1 commentaire

En " à corps désaccords " Agnès Pezeu rejoint l'œuvre de l'artiste Mylène Besson à l'Antichambre ( ..." Ici, Mylène BESSON jongle avec les codes de la représentation du corps autant qu'avec l'idée que l'on se fait du corps nu en mouvement comme si elle s'adressait directement à notre inconscient "... ) du moment . Merci JPGP de rester passeur du bonheur des Dames .