L’intensité du peu : Fabien Claude

Chez Fabien Claude la peinture et  la photographie font retour sur elles-mêmes. Cela n’a pourtant rien de narcissique, de complaisant. L’artiste se bat avec ce qu’elles sont entre une présence blanche et une présence noire afin d’incarner des traces d’une essentialité  mais qui ne se veut pas essence (entendons par là une spiritualité). Le rien (qui est tout) du  corps est là par effet de voile ou de peau. Beckett n’est pas loin. Se retrouve chez le plasticien le  même pleurement sans larme dans un combat de la présence avec elle-même. Chaque œuvre ouvre sur l’illisible, le secret. Rien n’est raturé, ou surchargé : tout se met en place pour la stratégie de jaillissement  d’un inavouable aveu dont le sens est enfoncé dans l’obscurité. Quelque chose à la fois durcit et  flotte sans que le regard puisse retenir la moindre assurance.  Dans le noir des espaces blancs s’avancent, surnages, gonflent avec  timidité mais acharnement dans l’absence de réponse (l’art n’est pas fait pour ça). Reste ce que Fabien Claude nomme « ce voir aveugle à nous faire signe », cette bouche sans lèvres qui ne peut que ravaler ses mots.


Chaque œuvre renonce aux certitudes, avance vers ce qui ne se perçoit pas encore. Il y à la des mues, des exils, des présences fantomatiques. Celles-ci ne lorgnent pas forcément sur le passé. La présence est autre : elle est celle silence sans nom des profondeurs d’abîme où le sexe n’est pas absent mais ignore sa  division factice. A perte de vue et de mots l’image tel un hermaphrodite fait l’amour avec elle-même pour que  surgisse le plus profond, le plus naïf et le plus sourd. Sous un univers nocturne  où tout se défait  la pulsion de vie perdure. Il y à là et par « creux-ation » ce que Beckett nomma les « echos’ bones ». En ce sens l’œuvre de Fabien Claude jouxte les vanités. Mais néanmoins elle ne cesse de les transcender. Et si l’œuvre dans sa transparence qui ne se laisse pas traverser est douloureuse elle « parle » paisiblement. Elle traverse le  corps le plus profond afin de lui offrir une proximité sans approche.


Jean-Paul Gavard-Perret

 

Sur le même thème

Aucun commentaire pour ce contenu.