Magda Szatanek : mystères du corps-fantôme
Il existe un « flow » dans les autoportraits (les portraits aussi de Magda Szatanek. La créatrice inspire de nombreux photographes mais elle sait aussi « faire le travail » dans des prises (presque) contrôlées et qui ne débordent jamais (ou presque). Mais l’adverbe en parenthèses est chez elle travaillé à dessein pour jouer des ambiguïtés. Si dans certains autoportraits de l’artiste la température au sol ne doit pas être loin de 39°, parfois le cliché se rapproche de féeries plus glacées.
Tout est en frôlements dans le clair-obscur des émotions. Quelques dessous vaporeux désaxent des pensées, invitent à un dérèglement implicite et contrôlé dans ce que Julie Salin nomme avec ironie « la viande d’amour ».
Celle ci renverse la nuit en plein jour. Et Magda Szatanek en profite : devant comme derrière l’appareil elle se fait poreuse, éprise, auto-traversée peau à peau, déshabillée loin des parures même si demeurent les quelques étoffes du silence. La suavité feule dans la diaphanéité de l’air. Il remue à portée du geste à l’épreuve d’une réalité enfouie par la relève du corps d’une nouvelle Ophélie. Plus vivante aujourd’hui qu’hier et bien moins que demain.
Jean-Paul Gavard-Perret
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